5 L’image de l’«antre » dans les manuels bulgare 35
cet intellectuelbulgare. Nous retrouvons la meme maturite d'idćes chezlv. Bogorov, qui ćdite en 1843 et en 1851 deux geographies pour enfants, et oh une place importante est recervee a la Grece et aux Grecs. L'exposć est empreint d'une grandę estime pour leur lutte hćroiąue contrę 1'oppresseur commun et pour leurs reussites apr£s la liberation, dans le domaine de la navigation, du commerce, de la science et de la vie politique.
Les annćes quarante du XlXe siecle sont marqućes de conflits graves opposant les Bulgares aux reprćsentants du haut clerge orthodoxe qui leur refuse le droit h une Eglise indćpendante en les accusant de «philetisme ». Ce sont aussi les annćes qui ont vu la formation de la doctrine nationale grecque, la Megali idea, et le rapprochement progressif de l’Etat grec indć-pendant et du Patriarcat de Constantinople. Cette ćvolution dans les rapports bulgaro-grecs a contribuć a l'approfondissement progressif de la tendance qui consiste a reprćsenter «l’autre» — le Grec _ sous un jour negatif. II existe encore une circonstance contribuant & 1'approfondissement de cette tendance, c'est qu’a 1'ćlaboration des livres scolaires ont pris une part active les participants a la lutte opposant les Bulgares au Patriarcat de Constantinople. Ce sont en mfime temps des hommes cultivćs qui par leur prestige d'ecrivains, de journalistes et d’educateurs, exeręaient de l'influence sur le public. Ainsi, Petko Slavejkov collabore a la rćdaction d’ouvrages a thćma-tique historique qui ont un tres large public. II enregistre des mythes et des legendes, mais, avant tout, il compose lui-m&me des mythes d’un caractere anti-grec tres marque. Dans ses ouvrages, le Grec est le personnage negatif, malin, traitre, allić infidele, cruel. Tout aussi negative est 1’image de la femme grecque qui est la cause d'un tas d’ennuis et de malheurs pour la familie du Bulgare qui l'a accueillie. Cest Slavejkov qui a contribuć a ce que le mythe de 1'incendie de la bibliotheque de manuscrits vieux-bulgares a Tarnovo par le metropolitę Ilarion se transforme en stćrćotype national. Poursuivant un but patriotique, il se permet de remanier les sources en y ajoutant des eve-nements et des ćpisodes de son invention. Ainsi, dans ses «Exemples histori-ques sur la morale », publies en 1867 pour les besoins de 1'enseignement, on voit apparaitre des personnages et des auteurs grecs inventes dont les exem-ples des traits nćgatifs des Grecs devaient former des qualitćs positives chez les enfants bulgares et servir pour bl&mer la faęon de vivre « grecque ».
Stefan Zahariev lance le mythe que les patriarches grecs etaient res-ponsables de 1’islamisation des Bulgares dans le Rhodope. D’ailleurs, tous les auteurs de la seconde moitić du XIXe siecle rejettent a 1'unanimitć l’idće que la culture grecque ait jou6 un role tant soit peu positif pour les Bulgares.
En 1869, Hristo Danov, ćducateur et editeur bulgare, imprime un programme des ecoles bulgares oh sont indiques les objectifs et les taches de l’enseignement de 1'histoire: « L'histoire bulgare montre depuis quand et d'oh provient le peuple bulgare, comment il ćtait aux temps anciens et comment il est aujourd’hui. Elle montre encore que le Biilgare a existć et qu’il vit, qu'il n'est ni Grec, ni Russe, ni Franęais, mais qu’il est Bulgare ».
En 1869, Dragan Mancov ćdite un manuel d’histoire gćnćrale al'usage des ecoles primaires. La Grćce antique y est reprćsentee dans toute sa gran-deur et avec tous les acquis de la science, des arts et des lettres. La Grece contemporaine, semble-t-il, n’existait pas. On fait la mfime constatation en ouvrant l’histoire generale abrćgće a l'usage des ćcoles secondaires ćditće en 1870 toujours par Dragan Mancov. On y retrouve 1'Hellade antique, Byzance