Souvenirs chapitre 16


Les Souvenirs  Chapitre 16 : DerniŁres consolations
CHAPITRE XVI
DerniŁres consolations
Dbordante de charit - Le 4 octobre - Les fętes du Triduum - En socit avec l'Amour - Les prparatifs d'une prise d'habit - Pendant
la crmonie - Feu consumant.
ous touchons aux derniŁres semaines de notre petite sSur Elisabeth de la Trinit. Son pauvre estomac
N
tait arriv ą un tel tat d'ulcration, que l'on ne savait plus comment soutenir cette gnreuse victime
qu'achevait de consumer le feu de l'amour et de la douleur. Je fais ce que je peux pour ne pas mourir de
faim, et ce, par amour pour le bon Dieu , crivait-elle ą sa famille, qui s'ingniait ą lui procurer quelque
soulagement.
Malgr son puisement, la chŁre enfant restait leve la plus grande partie de la journe. Elle multipliait
et prolongeait ses visites au Saint-Sacrement, travaillait encore, suppliant qu'on lui permt de le faire, au
moins par demi-heure, et quand elle fut oblige de s'avouer vaincue par la maladie, elle s'occupa ą rafrachir
les fleurs de la sacristie et ą rendre mille petits services ą l'infirmerie, donnant ą toutes choses le cachet
d'ordre et de soin qui la caractrisait.
Dbordante de charit comme son divin Matre alors qu'Il allait quitter les siens, SSur Elisabeth de la
Trinit trouvait encore la force d'pancher le trop plein de son cSur en ceux qui rclamaient d'elle cette
supręme consolation. Nous groupons ici ses derniŁres lettres, comme on assemble des aromates pour une
composition de parfums, car l'encens que doit rpandre Laudem Gloriae sort de ces pages et en abondance
comme d'un encensoir fumant .
A une religieuse Carmlite
Avant de m'envoler au ciel, je tiens ą vous assurer qu'en la maison du PŁre, je prierai bien pour vous.
Je vous donne rendez-vous dans le foyer d'amour, c'est lą que s'coulera mon ternit, et vous pouvez
dją commencer la vtre dŁs ici-bas. ChŁre sSur, je serai jalouse de votre beaut : lorsque l'on aime, ne
dsire-t-on pas du bien ą l'ętre aim ! Au ciel, je le crois, ma mission sera d'attirer les mes dans le
recueillement intrieur, en les aidant ą sortir d'elles-męmes pour adhrer ą Dieu par un mouvement tout
simple et tout amoureux, et de les garder en ce grand silence du dedans qui permet ą Dieu de
s'imprimer en elles, de les transformer en Lui. ChŁre petite sSur, maintenant il me semble que je vois
toutes choses ą la lumiŁre du bon Dieu, et si je recommenais ma vie, comme je voudrais ne plus
Les Souvenirs  Chapitre 16 : DerniŁres consolations
perdre un instant ! Il ne nous est pas permis ą nous, pouses du Christ, au Carmel, de faire autre chose
que de l'amour, du divin ; et si par hasard, du sein de la lumiŁre, je vous voyais sortir de cette unique
occupation, vite je viendrais vous rappeler ą l'ordre ; vous le voulez bien, n'est-ce pas ? Priez pour moi,
aidez-moi ą me prparer pour le souper des noces de l'Agneau1 ; il faut beaucoup souffrir pour mourir,
et je compte sur vous pour m'aider. A mon tour, je vous assisterai ą votre mort. Mon Matre me presse,
Il ne me parle plus que d'ternit..., d'amour... C'est si srieux, si grave ! ...
A Dieu, je n'ai ni la force, ni la permission d'crire longuement, mais vous savez le mot de saint Paul
Notre conversation est dans les cieux2 . Petite sSur, vivons d'amour pour mourir d'amour et pour
glorifier le Dieu tout amour.
Laudem Gloriae
A une postulante dont elle fut l'Ange au Carmel et qu'une circonstance particuliŁre avait rendue ą sa
famille :
Mon cher petit Tobie, mon cSur d'ange a t remu dlicieusement par votre lettre ; je suis heureuse
que vous sentiez ą quel point il est vrai que je ne vous quitte pas ! Ma priŁre et mes souffrances sont
les ailes avec lesquelles je vous couvre pour vous garder en toutes vos voies3. Avec quelle joie
j'endurerais les plus grandes souffrances pour vous obtenir toujours plus de fidlit et plus d'amour !
Vous ętes l'enfant chrie de mon me, et je veux vous aider, ętre votre ange invisible, mais toujours
prsent, pour vous porter secours.
ChŁre petite sSur, je crois que c'est l'amour qui nous permet de ne pas nous arręter longtemps ici-
bas ; du reste, saint Jean de la Croix le dit formellement ; il a un chapitre admirable oł il dcrit la mort
des mes victimes de l'amour et les derniers assauts qu'il leur livre.
Notre Dieu est un feu consumant4, si nous nous tenons tout le temps unies ą Lui par un regard de foi
simple et amoureux, si, comme notre Matre ador, nous pouvons dire au soir de chaque journe :
Parce que j'aime mon PŁre, je fais toujours ce qui lui plat5 . Il saura bien nous consumer, et comme
deux. petites tincelles, nous irons nous perdre dans l'immense foyer pour brler ą notre aise durant
l'ternit.
Vous me dites de demander un signe au bon Dieu pour savoir si nous nous reverrons et si vous
viendrez reprendre votre place prŁs de votre petit ange ; mais, malgr mon dsir intense de vous plaire,
1
Ap XIX, 9
2
Ph III, 20
3
Ps XC, 11
4
He XII, 29
5
Jn VII, 29
Les Souvenirs  Chapitre 16 : DerniŁres consolations
je ne puis le faire ; ce n'est pas lą ma grce, il me semble que ce serait sortir de l'abandon. Ce que je
puis vous dire, c'est que vous ętes aime, beaucoup aime par notre Matre, et qu'Il vous veut sienne. Il
a pour votre me des jalousies divines, des jalousies d'Epoux. Gardez-le dans votre cSur seul et
spar ; que l'amour soit votre clotre, vous le porterez partout, et ainsi vous trouverez la solitude
parmi toute multitude.
J'ai lu que le plus saint, c'est le plus aimant, c'est celui qui regarde le plus vers Dieu et qui satisfait
le plus pleinement les besoins de son regard : que ce soit notre programme.
A Dieu ! tout me parle de mon dpart pour le ciel. Si vous saviez avec quelle joie sereine j'attends le
face-ą-face6! Au sein de la lumiŁre blouissante, je serai toujours penche sur mon enfant pour la
garder au divin Matre comme un beau lis, afin qu'Il puisse la cueillir avec bonheur pour son parterre
virginal, et reposer son regard consumant sur cette fleur cultive par Lui avec tant d'amour.
A la męme
Jamais je n'ai autant senti le besoin de vous couvrir de priŁre ; lorsque mes douleurs deviennent plus
aigus, je me sens tellement presse de les offrir pour vous que je ne puis faire autrement ; seriez-vous
dans la souffrance ? Je vous donne toutes les miennes, vous pouvez en disposer pleinement.
Combien je suis heureuse en pensant que mon Matre va venir me chercher ! Que la mort est idale
pour ceux que Dieu a gards !
Au ciel je serai votre ange plus que jamais ; je sais combien ma petite sSur a besoin d'ętre prserve
au milieu de ce Paris oł s'coule sa vie. Saint Paul dit que Dieu nous veut purs, immaculs en sa
prsence dans l'amour7. Ah ! combien je lui demanderai que ce grand dcret de sa volont
s'accomplisse en vous ; pour cela, coutez le conseil du męme Aptre : Marchez en Jsus-Christ,
enracins en Lui, difis en Lui, affermis dans la foi et croissant de plus en plus en Lui8 . Tandis que
je contemplerai l'idale Beaut en sa grande clart, je lui demanderai qu'elle s'imprime en votre me,
afin que dją sur cette terre oł tout est souill, vous soyez belle de sa beaut, lumineuse de sa lumiŁre.
A Dieu, dites-Lui merci pour moi car mon bonheur est immense. Je vous donne rendez-vous en
l'hritage des saints9 ; c'est lą que parmi le chSur des Vierges, cette gnration pure comme la lumiŁre,
nous chanterons le beau cantique ą l'Agneau, le Sanctus ternel, sous le rayonnement de la face de
Dieu ; alors nous serons transforms en la męme image, de clart en clart10 .
A une amie
Octobre 1906
6
1 Cor XIII, 12
7
Eph I, 4
8
Col II, 7
9
Col I, 12
10
2 Co III, 18
Les Souvenirs  Chapitre 16 : DerniŁres consolations
L'heure approche oł je vais passer de ce monde ą mon PŁre ; avant de partir je veux vous envoyer un
mot de mon cSur, un testament de mon me.
Jamais le divin Matre ne fut si dbordant d'amour qu'ą l'instant supręme oł Il allait quitter les siens ;
il me semble qu'il se passe quelque chose d'analogue en sa petite pouse au soir de sa vie, et je sens
comme un flot qui monte de mon cSur au vtre !
A la lumiŁre de l'ternit, l'me voit les choses au vrai point. Oh ! comme tout ce qui n'a pas t fait
pour Dieu et avec Dieu est vide ! Je vous en prie, marquez tout du sceau de l'amour, il n'y a que cela
qui demeure... Que la vie est quelque chose de srieux ; chaque minute nous est donne pour nous
enraciner plus en Dieu, selon l'expression de saint Paul ; pour que la ressemblance avec notre divin
ModŁle soit plus frappante, l'union plus intime ; mais pour raliser ce plan qui est celui de Dieu Lui-
męme, voici le secret : s'oublier, se quitter, ne pas tenir compte de soi ; regarder le Matre divin, ne
regarder que Lui ; recevoir galement comme venant directement de son amour la joie ou la douleur,
cela tablit l'me sur des hauteurs toutes sereines.
Je vous laisse ma foi en la prsence de Dieu, du Dieu tout amour, habitant en nos mes ; je vous le
confie, c'est cette intimit avec Lui au-dedans qui a t le beau soleil irradiant ma vie et dją
faisant d'elle comme un ciel anticip ; c'est ce qui me soutient aujourd'hui dans la souffrance ; je n'ai
pas peur de ma faiblesse, elle augmente ma confiance, car le Fort11 est en moi, et sa vertu toute-
puissante opŁre, dit l'Aptre, au delą de ce que nous pouvons esprer .
A Dieu ! Quand je serai lą-haut, voulez-vous me permettre de vous aider, de vous reprendre męme si
je vois que vous ne donnez pas tout au divin Matre ; et ce, parce que je vous aime ! Je protgerai vos
deux chers trsors, et je demanderai tout ce qu'il vous faut pour en faire deux belles mes, filles de
l'amour. Qu'Il vous garde toute sienne, toute fidŁle ; en Lui je serai toujours toute vtre.
Ce mois d'octobre rservait ą SSur Elisabeth de la Trinit les derniŁres joies dans l'exil. Elle dsirait
vivement prendre part ą la fęte intime par laquelle nous honorons chaque anne la bienheureuse mort de
notre sraphique MŁre. Ce dsir, confi au cSur de la Sainte, fut ralis contre toute prvision. Dans l'aprŁs-
midi de ce jour, elle avait pris occasion d'un changement de robe pour demander ą renouveler la crmonie
de sa vęture. Tout s'tait pass prŁs de la tribune qui la reliait au tabernacle. Avec quel esprit de foi se
conforma-t-elle aux moindres dtails du crmonial, ne se dispensant pas męme du grand prosternement.
Ce soir-lą, nous la vmes avec grande motion revenir au chSur aprŁs sept mois d'absence. Fręle et
chancelante, elle se laissait deviner plutt qu'apercevoir dans la pnombre, toute perdue en une fervente
oraison, qu'elle savait devoir ętre la derniŁre en ces lieux pleins de grces et de chers souvenirs. Se prosterner
11
Is IX, 6
Les Souvenirs  Chapitre 16 : DerniŁres consolations
devant la grille tmoin de l'oblation du 8 dcembre12 et de la conscration du 21 janvier13, lui fut une douce
joie. Toute son me passa dans un supręme Suscipe que notre sainte MŁre dut offrir comme une louange de
gloire ą la Sainte Trinit. Puis doucement radieuse, elle regagna sa chŁre solitude , pour achever de livrer
le don si sincŁrement ritr.
Sa sSur et son beau-frŁre qui avaient promis leur concours musical aux fętes que nous prparions en
l'honneur de nos Bienheureuses Martyres de CompiŁgne, vinrent un soir s'exercer ą la chapelle ; SSur
Elisabeth de la Trinit remarqua avec quelle douceur sa chŁre Marguerite accompagnait son mari et cherchait
ą le faire ressortir, disparaissant elle-męme en quelque sorte.
C'est ainsi, dit-elle, que je dois ętre un instrument, dont le divin Matre puisse tirer les sons qu'Il
prfŁre. Secondant simplement son action par la coopration ą sa grce ; je dois m'effacer pour Lui donner
toute gloire . Les moindres choses lui taient ainsi l'occasion de s'lever ą Dieu, ou plutt rien ne la faisait
redescendre sur la terre. Elle n'y a plus que les pieds, disait un religieux ą sa mŁre, le cSur, l'me et l'esprit
sont au ciel .
De son petit sanctuaire, auquel s'appuyait le tableau des Bienheureuses, SSur Elisabeth put prendre
part ą nos belles solennits ; les nombreuses Messes qui se clbrŁrent durant trois jours lui permirent de
s'unir plus intimement ą la sainte Victime. Se trouvant ą peu prŁs ą la hauteur du trŁs Saint-Sacrement, elle
aimait ą dire, s'appliquant ce verset du Psalmiste La reine se tient ą la droite du Roi14. Je profite du rang
que j'occupe auprŁs de Celui qui m'a faite reine, pour puiser en son cSur de nombreuses grces .
Elle pensait surtout aux jeunes lvites venus pour recueillir les enseignements levs et profonds que
nous avions le bonheur de recevoir, et suppliait son Conseil tout-puissant de leur faire sentir au fond du
cSur cette onction mystrieuse qui jadis, sous la męme parole, l'avait puissamment pntre.
Le 15, fęte de sainte ThrŁse, Mgr Dadolle, notre Evęque et PŁre vnr, proclama la gloire des
Bienheureuses, qui alliaient ą la blancheur virginale la pourpre de leur immolation sanglante. L'union des
deux fętes invitait Sa Grandeur ą prsenter la vie de notre sraphique MŁre sous le jour d'un martyre aussi,
c'est-ą-dire du plus grand don possible, de l'amour supręme. Ce rapprochement fut dvelopp dans un
remarquable discours, dont l'ardeur communicative pntra les mes. SSur Elisabeth de la Trinit,
s'loignant du sanctuaire, emporta le besoin plus imprieux encore de donner au divin Matre sa mesure
d'amour, par le sacrifice absolu. Monseigneur voulut bien lui accorder, ą la grille du parloir, cette bndiction
de PŁre et de Pontife, que la petite hostie de louange attendait comme une derniŁre conscration.
12
Sa vęture.
13
Sa prise de voile.
14
Ps XLIV, 2
Les Souvenirs  Chapitre 16 : DerniŁres consolations
Dieu lui avait mnag une autre consolation en envoyant ą notre Carmel, ą l'occasion de ces fętes, le
religieux Dominicain dont son me avait reu cette influence de grce ą laquelle nous l`avons vue si
fidŁlement correspondre.
Comme elle confiait au Rvrend PŁre son dsir de souffrir, il lui dit de ne pas s'arręter lą ; mais de se
livrer simplement ą Dieu, le laissant libre d'agir, sans lui dterminer ses voies.
Depuis lors, son me, oriente vers les cimes qui dpassent la souffrance, paraissait toujours plus
lumineuse, et malgr ses douleurs, notre petite sSur semblait habiter dją le ciel de la gloire. Je sens ą ct
de moi, disait-elle, l'Amour, comme un ętre vivant qui me dit : Je veux vivre en socit avec toi ; pour cela, je
veux que tu souffres sans penser que tu souffres, te livrant simplement ą mon action .
Encore un souvenir de ce mois d'octobre : il nous montre SSur Elisabeth de la Trinit s'oubliant encore
pour la charit. Une postulante du voile blanc, compagne de noviciat, allait recevoir le saint habit ; elle
s'offrit ą prparer sa blanche parure et mit, dans ce travail, son cSur et ses derniŁres forces. A considrer
l'habilet, le got exquis avec lesquels elle disposait toutes choses, comme sa prsence d'esprit ą prvoir les
plus petits dtails pour sauvegarder le recueillement de la jeune novice au matin du grand jour, on ne se serait
pas dout que la semaine suivante, elle s'aliterait dfinitivement. Cependant la dfaillance de ce pauvre
corps, comparable ą un squelette et rclamant toute l'nergie de l'me pour les moindres mouvements,
annonait bien une fin prochaine. Ses doigts, ayant peine ą tracer l'ourlet de la robe qu'elle essayait,
retombaient parfois sur le plancher ; la pauvre enfant souriait, mais n'entendait pas qu'une autre la remplat ;
sa grande charit la soutenait, car elle savait que son travail ferait la joie de son heureuse petite sSur.
Le 22 octobre, pendant la prise d'habit, toute recueillie ą son poste habituel, elle ressentit un immense
bonheur, pensant que bientt elle serait dpose pour une autre crmonie, lą męme oł la jeune novice tait
prosterne. Hlas ! trois semaines encore, et cette esprance sera ralise.
Au soir de ce jour, elle crivait une derniŁre fois du Palais de la douleur :
Mon prętre aim15, votre petite hostie souffre beaucoup, beaucoup, c'est une sorte d'agonie physique ;
elle se sent si lche ! lche ą crier ! Mais l'Etre qui est la plnitude d'amour la visite ; lui tient
compagnie ; la fait entrer en socit avec Lui, tandis qu'Il lui fait comprendre que tant qu'Il la laissera
sur la terre, Il lui dispensera la douleur. Ma mŁre, j'ai le mouvement, si vous permettez, pour vous
prparer une belle fęte de la Toussaint, de commencer pour vous une neuvaine de souffrance, pendant
laquelle chaque nuit, tandis que vous reposerez, nous irons vous visiter avec la plnitude d'amour.
15
En ces derniers temps, Laudem gloriae, devenue hostie de louange , se plaisait ą nommer son prętre, celle entre les mains de
laquelle s'tait accomplie son oblation et se consommait le sacrifice supręme.
Les Souvenirs  Chapitre 16 : DerniŁres consolations
A cette poque, une grande inflammation intrieure accroissait encore ses souffrances elle tait
littralement calcine et ne pouvait parler qu'avec peine ; mais la plus grande joie rayonnait sur son visage
Dieu est un feu consumant, disait-elle ; c'est son action que je subis .
Je n'oublierai jamais l'impression que j'ai ressentie en donnant la sainte Communion ą votre cher
ange, trois semaines avant sa mort, crit un religieux de passage ą Dijon. Bien qu'averti, lorsque je vis
cette langue rouge comme du feu, je fus, tellement impressionn que ma main trembla en y dposant la
sainte hostie. Je considŁre comme une des plus grandes dlicatesses du CSur de Jsus, dans l'exercice
du saint ministŁre, la consolation d'avoir pu communier celle qu'Il allait bientt couronner dans le ciel.
Notre-Seigneur semblait me faire comprendre que l'amour qui embrasait l'me de sa sainte victime,
tait encore plus ardent que le feu qui consumait son pauvre corps.
Il en tait, bien ainsi, et SSur Elisabeth de la Trinit se livra si pleinement ą son action, que la vive
flamme d'amour qu'elle portait en son cSur, la blessa divinement. Un matin, elle accueillit ainsi sa Prieure :
O ma mŁre, encore un peu, et vous n'auriez plus retrouv sur terre Laudem Gloriae  Comment
cela ?  Hier soir, mon me tait dans une sorte d'impuissance, quand tout ą coup je me suis sentie
comme envahie par l'Amour. Aucune expression ne me permet de rendre ce que j'ai prouv ; c'tait un
feu d'une douceur infinie, et en męme temps, il semblait qu'il me caust une blessure mortelle. Je crois
que si cela s'tait prolong j'aurais succomb.
Ainsi s'achevait cette vie toute d'amour, que peut rsumer la parole vanglique prononce sur sainte
Madeleine : Elle a beaucoup aim16 .
Saint Jean de la Croix dit de ces prdestins qu'ils meurent dans des transports admirables et des
assauts dlicieux que leur livre l'amour, comme le cygne dont le chant est plus mlodieux quand il est sur le
point de mourir. C'est ce qui fait dire ą David que la mort des justes est prcieuse devant Dieu17, car c'est
alors que les fleuves de l'amour s'chappent de l'me et s'en vont se perdre dans l'ocan de l'amour divin. Lą
le commencement et la fin, le premier et le dernier se runissent afin d'accompagner le juste qui part pour
son royaume18 .
L'histoire intime de SSur Elisabeth de la Trinit s'achŁve avec la fin du commentaire de notre
Bienheureux PŁre.
16
Lc VII, 47
17
Ps CXV, 5
18
Vive flamme d'amour, str. I
Les Souvenirs  Chapitre 16 : DerniŁres consolations
O flamme de l'Esprit Saint, qui transpercez si intimement, si tendrement la substance de mon me et
qui la brlez par votre divine ardeur ; si vous ne m'exauciez pas lorsque l'amour impatient ne me
permettait pas de me rsigner complŁtement ą la condition de cette vie oł vous me condamniez ą
demeurer... maintenant que mon amour est devenu tellement fort, que mon cSur et ma chair, pntrs
de votre divine nergie, se rjouissent dans le Dieu vivant, avec une conformit parfaite ą votre
adorable volont ; maintenant que je ne demande plus que ce que vous m'ordonnez de demander...,
exaucez mes priŁres. Dchirez enfin, O divine flamme, dchirez la toile lgŁre de cette vie, pour que je
puisse vous aimer sans retard, avec toute la plnitude et la perfection que dsire mon me, c'est-ą-dire
sans mesure et sans fin19.
19
Vive flamme d'amour, str. I


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