Les Souvenirs  Chapitre 13 : La transformation en J�sus crucifi�
CHAPITRE XIII
La transformation en J�sus crucifi�
L'autel du sacrifice - Coup d'S
il g�n�ral - Emouvante entrevue - Correspondance - Les gloires du Carmel - Un palais royal.
ictime du divin amour, SS
ur Elisabeth de la Trinit� le fut en r�alit�. Tandis que nous poursuivions nos
V
neuvaines, elle restait li�e sur l'autel du sacrifice, avec l'intime conviction que nos priŁres ne l'en
feraient pas descendre. � Je me sens press�e , disait-elle avec saint Paul, � et je me r�jouis d'accomplir en
ma chair ce qui manque ą la Passion du Christ1.  Oui, je suis heureuse d'ętre associ�e ą l S
uvre
r�demptrice ; je souffre comme une extension de la Passion.  Ce que je veux, c'est le conna�tre, Lui, la
communion ą ses souffrances, et me rendre conforme ą sa mort2 , redira-t-elle sans cesse, s'appropriant les
paroles du grand Ap�tre qui l'avaient si vivement frapp�e au d�but de la Sainte Quarantaine.
Telle que nous l'avons vue, saisie par sa premiŁre confession, entrer en lutte contre elle-męme ;
pr�venue par l'Epoux des vierges Lui donner son cS
ur au jour de la premiŁre rencontre ; puis, aprŁs le vS
u
de ses quatorze ans, se retirer au dedans d'elle-męme pour prendre conscience du don de Dieu ; enfin s'�tablir
sous la lumiŁre de foi, en union aux trois divines Personnes ; telle nous la verrons en cette derniŁre phase,
fidŁle ą son guide lumineux, regarder la croix et achever de se transformer en J�sus crucifi�.
Jamais mon bonheur n'a �t� si grand que depuis que Dieu a daign� m'associer aux douleurs du divin
Ma�tre, �crit-elle un jour.
Et ą sa mŁre :
� Tu crains que je sois une victime d�sign�e pour souffrir ; je t'en supplie, ne t'en attriste pas, ce
serait si beau ! Je ne m'en sens pas digne. Pense donc ! avoir part aux souffrances de mon Epoux
crucifi�, et aller avec Lui ą ma passion, pour ętre r�demptrice avec Lui !...
Dans la crainte que SS
ur Elisabeth de la Trinit� ne recouvr�t jamais l'usage de ses jambes, la MŁre
Prieure la fit porter au parloir pour la consolation des siens. Quelle �mouvante entrevue ! Mme Catez ne
pouvait d�tacher son regard du visage amaigri, mais illumin� de sa chŁre enfant, qui ne dissimulait pas ses
regrets d'ętre revenue ą la vie. Elle voulut entretenir s�par�ment sa mŁre et sa sS
ur, les pressa de se sanctifier
1
Col I, 24
2
Ph II, 10
Les Souvenirs  Chapitre 13 : La transformation en J�sus crucifi�
et les pr�para au sacrifice supręme, en les emportant lą oł elle-męme vivait, sous ces clart�s divines qui
avaient fait le bonheur, en męme temps que la saintet� de sa vie.
Les lettres durent suppl�er bien souvent aux entretiens ą la grille, ce qui nous permet de lire en l'�me
de SS
ur Elisabeth de la Trinit� et de la suivre dans les �tapes de sa maladie.
� Epancher son �me dans celle de sa mŁre, lui �crit-elle au souvenir de ce r�cent parloir, la sentir
vibrer ą l'unisson, c'�tait si consolant ! Il me semble que mon amour pour toi est non seulement celui
d'une enfant pour la meilleure des mŁres, mais encore celui d'une mŁre pour son enfant ; je suis la
petite maman de ton �me, tu le veux bien, n'est-ce pas ? Nous entrons en retraite pour la Pentec�te, moi
plus encore en mon cher petit c�nacle, s�par�e de tout. Je demande ą l'Esprit Saint de te r�v�ler cette
pr�sence de Dieu en toi dont je t'ai parl� ; tu peux croire ma doctrine, car elle n'est pas de moi. Si tu lis
l'�vangile selon saint Jean, tu verras sans cesse le divin Ma�tre insister sur ce commandement :
� Demeurez en moi, et moi en vous3 .
Et encore :
� Si quelqu'un m'aime, mon PŁre l'aimera, et nous viendrons ą Lui, et nous ferons en lui notre
demeure4 .
� Saint Jean, dans ses �p�tres, souhaite que nous ayons soci�t�5 avec la Sainte Trinit� : ce mot est si
doux, et c'est si simple ! Il suffit, saint Paul le dit, il suffit de croire. Dieu est esprit6, et c'est par la foi
que nous nous approchons de Lui. Pense que ton �me est le temple de Dieu, c'est encore saint Paul qui
l'enseigne ; ą tout instant du jour et de la nuit, les trois Personnes divines y demeurent ; tu ne possŁdes
pas la sainte Humanit� comme quand tu communies, mais la divinit�, cette essence que les
Bienheureux adorent dans le ciel, elle est en ton �me ; quand on sait cela, une intimit� tout adorable
s'�tablit : on n'est plus jamais seul .
A quelque temps de lą, Mme Catez devant assister ą Paris aux fętes qui suivirent la b�atification des
seize Bienheureuses Martyres de CompiŁgne, re�ut les lignes suivantes :
L'�me de ta Carm�lite assistera avec la tienne au triduum de nos Bienheureuses Martyres. Oh ! quel
bonheur si ta fille pouvait aussi donner ą son Dieu le t�moignage du sang ! Cela vaudrait la peine de
rester sur la terre et d'avoir vu s'�vanouir son ręve du ciel. Mais ce que je lui demande surtout, c'est ce
martyre de l'amour qui a consum� ma sainte MŁre Th�rŁse, et, puisque la V�rit� a dit que la plus
3
Jn XV, 4
4
Id. XIV, 23
5
Id. I, 3
6
Id. IV, 24
Les Souvenirs  Chapitre 13 : La transformation en J�sus crucifi�
grande preuve d'amour est de donner sa vie pour celui qu'on aime, je Lui donne la mienne, elle est ą
Lui depuis longtemps pour qu'Il en fasse ce qui Lui plaira. Si je ne suis pas martyre du sang, je veux
l'ętre de l'amour. ChŁre maman, aimons Dieu, vivons avec Lui comme avec un ętre aim� dont on ne
peut se s�parer. Tu me diras si tu fais des progrŁs en la voie du recueillement, car je suis pleine de
sollicitude pour ton �me. Rappelle-toi ces mots de l'Evangile : � Le royaume de Dieu est au dedans de
vous7 . Entre en ce petit royaume pour adorer le Souverain qui y r�side ainsi qu'en son propre palais.
Il t'aime tant ! Il t'en a donn� tant de gages, en te demandant souvent dans le chemin de ta vie de l'aider
ą porter sa Croix !
P.S. : Vendredi, en wagon, n'oublie pas de faire oraison, c'est trŁs propice, je m'en souviens.
Il faut rayer le mot � d�couragement , de ton dictionnaire d'amour, �crit-elle ą sa sS
ur ; plus tu sens
ta faiblesse et �prouves de difficult� ą te recueillir, plus Notre-Seigneur semble cach�, plus tu dois te
r�jouir : tu Lui donnes alors ; et quand on aime n'est-il pas meilleur de donner que de recevoir !
Dieu disait ą saint Paul : � Ma gr�ce te suffit, car la force se perfectionne dans la faiblesse8 . Le
grand Saint l'avait bien compris ! � Je me glorifie, dit-il, dans mes infirmit�s, car lorsque je suis faible,
la force de J�sus-Christ habite en moi9 .
Qu'importe ce que nous sentons. Lui, Il est l'Immuable, Celui qui ne change jamais. Il t'aime
aujourd'hui comme Il t'aimait hier, comme Il t'aimera demain. Męme si tu lui as fait de la peine,
rappelle-toi qu'un ab�me appelle un autre ab�me10, l'ab�me de ta misŁre attire l'ab�me de sa mis�ricorde.
Dieu me fait comprendre cela, et c'est pour nous deux ; Il m'attire aussi beaucoup vers la souffrance, le
don de soi n'est-ce pas le terme de l'amour ! Ne perdons aucun sacrifice ; il y en a tant ą recueillir dans
une journ�e ! Avec les petites, tu as bien des occasions. Oh ! donne tout au bon Ma�tre. Ne trouves-tu
pas que la souffrance unit ą Lui d'un lien plus fort ? Ainsi, s'il te prenait ta sS
ur, ce serait pour ętre
encore plus tien. Aide-moi ą pr�parer mon �ternit� ; je crois que ma vie ne sera plus bien longue ; tu
m'aimes assez pour te r�jouir que j'aille me reposer lą oł je vis depuis longtemps. J'aime te parler de
ces choses, petit �cho de mon �me ; je suis �go�ste, car je vais peut-ętre te faire de la peine ; mais je
veux t'emporter plus haut que ce qui meurt..., au sein de l'Amour infini. C'est la patrie des deux petites
sS
urs, c'est lą qu'elles se retrouveront toujours.
O Marguerite, ce soir, en t'�crivant, mon cS
ur d�borde ; je sens � le trop grand amour11 de mon
Ma�tre, et je voudrais faire passer mon �me en la tienne, pour que tu y croies toujours, surtout aux
heures plus douloureuses. La nuit, quand tu t'�veilles, unis-toi ą ton Elisabeth ; je voudrais pouvoir
t'inviter ą venir prŁs de moi, elle est si myst�rieuse et silencieuse cette petite cellule avec ses murs
blancs, sur lesquels ressort une croix de bois noir sans Christ, c'est la mienne, celle oł je dois
7
Lc XVII, 21
8
2 Cor, XII, 9
9
Ibid
10
Ps. XLI, 9
11
Eph II, 4
Les Souvenirs  Chapitre 13 : La transformation en J�sus crucifi�
m'immoler ą tout instant pour ętre conforme ą mon Epoux crucifi�. Je suis la petite recluse du bon
Dieu : j'aime la solitude avec Le Seul, et je mŁne une vie d'ermite vraiment d�licieuse. Elle est loin
d'ętre exempte d'impuissances ; moi aussi, j'ai besoin de chercher mon Ma�tre qui se cache bien ; mais
je r�veille ma foi, et je suis contente de ne pas jouir de sa pr�sence, pour le faire jouir, Lui, de mon
amour.
Depuis longtemps, je pense ą la Sainte-Marguerite, et j'ai la pr�tention de te fęter mieux que
personne, car je ne t'offre rien de ce qui passe, mais du divin, de l'�ternel. Je pr�pare ta fęte par une
grande neuvaine : je dis chaque matin sexte pour toi, c'est l'heure du Verbe, afin qu'Il s'imprime si bien
en ton �me que tu sois une autre Lui-męme. Et puis none, heure que je consacre au PŁre, afin qu'Il te
possŁde comme une fille bien-aim�e ; que la force de sa droite12 te conduise en toutes tes voies et
t'oriente toujours plus vers cet ab�me oł Il demeure et oł Il veut t'ensevelir avec Lui.
A Dieu ! Que les Trois b�nissent mes trois petites hosties, et fassent en chacune leur ciel et le lieu de
leur repos ! O ab�me ! O Amour ! Voilą notre refrain sur nos lyres de louanges de gloire, et c'est ainsi
que j'achŁve cette �p�tre .
Juin 1906
C'est moi qui viens dire ą ma bonne maman que sa petite malade continue ą se maintenir dans le
mieux ; elle a plus de force pour s'asseoir sur son lit et sa tęte est assez solide ; ce sont ses jambes qui
ne veulent pas la soutenir ; sans cela, il me semble qu'elle pourrait se rendre quelques services, ses
infirmiŁres s'empressent d'y suppl�er avec autant de charit� que d'affection.
Aujourd'hui notre MŁre m'a accord� la grande joie d'assister d'une tribune ą la sainte Messe et de
rester ensuite une bonne heure prŁs du Saint-Sacrement. J'�tais presque ą sa hauteur, comme une reine
ą la droite de son Epoux.
J'ai pass� une grande partie de la journ�e d'hier sur la terrasse gr�ce ą la proximit� du chS
ur j'ai
entendu chanter le salut ; c'est notre MŁre elle-męme qui m'avait install�e. Je lui dis parfois ą cette
bonne MŁre qu'en me soignant ainsi, elle m'empęche de partir pour le ciel.
Ta lettre m'a fort int�ress�e. Que la c�r�monie de nos Bienheureuses devait ętre belle, et combien tu
devais ętre reconnaissante au bon Dieu qui m'a conduite sur cette montagne du Carmel, en cet Ordre
illustr� par tant de saints et de martyrs.
Son Ordre, comme elle l'aime ! Saintement fiŁre de lui appartenir, avec quelle joie elle y voit aboutir
une vocation confi�e ą sa priŁre, ainsi que le t�moigne cette lettre ą un novice carme.
Je rends gr�ce ą Celui qui a bien voulu nous unir si �troitement en Lui, et le remercie de vous avoir
12
Ps LXXXVIII, 14
Les Souvenirs  Chapitre 13 : La transformation en J�sus crucifi�
saisi par sa droite13 pour vous conduire sur la Montagne du Carmel, toute irradi�e des rayons męmes
du soleil de Justice. C'est lą, ą la suite de notre sainte MŁre Th�rŁse et de tous nos Saints, que nos deux
�mes, que le divin Ma�tre a consomm�es en Lui, doivent se transformer en cette louange de gloire dont
parle saint Paul.
Je br�le de zŁle pour le Seigneur Dieu des arm�es14 ce fut la devise de tous nos Saints ; elle fit de
notre sainte MŁre une victime de charit�, comme nous le chantons dans son bel office. Il me semble
que si le bon Dieu me laisse encore sur la terre, c'est pour que je sois aussi cette victime d'amour, toute
jalouse de son honneur. Voulez-vous obtenir ą votre sS
ur de r�aliser pleinement ce programme divin ;
comme vous, elle a un grand d�sir de devenir une sainte pour donner toute gloire ą son Ma�tre ador� !
Saint Paul, dont je lis beaucoup les magnifiques �p�tres, dit que Dieu nous a �lus en Lui avant la
cr�ation, pour que nous soyons immacul�s et saints en sa pr�sence, dans la charit�15. Vivre en la
pr�sence de Dieu, n'est-ce pas un h�ritage que saint Elie a l�gu� aux enfants du Carmel, lui qui dans
l'ardeur de sa foi s'�criait : � Il est vivant le Seigneur Dieu, en pr�sence duquel je suis16 . Si vous le
voulez, nos �mes, franchissant l'espace, se retrouveront pour chanter ą l'unisson cette grande devise de
notre PŁre ; nous lui demanderons, le jour de sa fęte, ce don d'oraison qui est l'essence de la vie du
Carmel ; ce cS
ur ą cS
ur qui ne cesse jamais, parce que quand on aime, on n'est plus ą soi, mais tout ą
l'objet aim�, et l'on vit plus en lui qu'en soi-męme.
Saint Jean de la Croix, notre bienheureux PŁre, a �crit lą-dessus des pages divines, dans son
Cantique et sa Vive Flamme d'amour ; ce cher livre fait la joie de mon �me, qui y trouve une nourriture
toute substantielle.
Je pense avec bonheur que les portes du noviciat se sont ouvertes pour vous, et je demande ą la
Reine du Carmel de vous donner le double esprit de notre cher et saint Ordre : l'esprit d'oraison et de
p�nitence ; car pour vivre continuellement en contact avec Dieu, il faut ętre entiŁrement sacrifi� et
immol�. Ayons l'ardeur de nos Saints pour la souffrance, et surtout, sachons prouver ą Dieu notre
amour, par la fid�lit� ą notre sainte RŁgle ; ayons pour elle une sainte passion ; si nous la gardons, elle
nous gardera et fera de nous des saints, c'est-ą-dire des �mes telles que les voulait notre s�raphique
MŁre, pouvant servir ą Dieu et ą son Eglise17.
La foi de SS
ur Elisabeth de la Trinit� se nourrissait toujours en saint Paul ; si bien que, męme au cours
des visites du m�decin, fr�quentes dans les derniers temps, elle trouvait moyen de faire entrer en scŁne le
grand Ap�tre, et de telle sorte que le docteur �merveill� demandait en arrivant ą l'infirmerie � Eh bien ! ma
sS
ur, que dit saint Paul aujourd'hui ?  � Elle est extraordinaire, ajoutait-il en la quittant, quelle
intelligence et quelle po�sie ! Le courage h�ro�que avec lequel une si jeune religieuse supportait des
13
Ps CXVIII, 16, d'Eyragues.
14
1 R, XIX, 10
15
Eph I, 4
16
1 R XVII, 1
17
Sainte Th�rŁse.
Les Souvenirs  Chapitre 13 : La transformation en J�sus crucifi�
douleurs dont il pouvait mieux que personne appr�cier l'acuit�, provoquait surtout son admiration, et plus
tard lui faisait dire : � Je n'ai jamais vu pareille force et s�r�nit� dans la souffrance ; elle endure un vrai
martyre .
L'id�al entrevu et g�n�reusement poursuivi la soutenait dans ce martyre. � Je n'envie plus seulement
d'arriver au ciel pure comme un ange , confiait-elle ą la MŁre Sous-Prieure, � mais transform�e en J�sus
crucifi�. De plus en plus la souffrance m'attire ; ce d�sir domine presque celui du ciel, qui pourtant est bien
fort .
Elle �crit ą une �me capable de la comprendre :
David a dit de J�sus-Christ : � Sa douleur est immense . En cette immensit� j'ai fix� ma r�sidence ;
c'est le palais royal oł je vis avec mon Epoux crucifi�18. Je vous y donne rendez-vous, car vous savez
appr�cier le bonheur de la souffrance et la regarder comme la r�v�lation du trop grand amour. Oh ! que
je l'aime ! Elle est devenue ma paix, mon repos ; priez pour que Dieu augmente ma capacit� de
souffrir.
Et ą sa mŁre :
Le bon Dieu se pla�t ą immoler sa petite hostie ; mais cette Messe qu'Il dit avec moi et dont son
amour est le Prętre, peut durer longtemps encore ; la victime ne trouve pas le temps long dans la main
de Celui qui la sacrifie ; elle peut dire que si elle passe par le sentier de la souffrance, elle demeure
bien plus encore sur la route du bonheur, du vrai, chŁre maman, de celui que nul ne saurait lui ravir.
Ton cS
ur de mŁre devrait divinement tressaillir en pensant que le Ma�tre a daign� choisir ta fille, le
fruit de tes entrailles, pour l'associer ą son grand S
uvre de r�demption, qu'Il l'a marqu�e du sceau de sa
18
Un jour, sS
ur Elisabeth d�pose dans la cellule de sa Prieure un petit cartonnage repr�sentant une citadelle avec pont-levis. PrŁs de
la porte close, une Vierge de Lourdes d�coup�e, c'est Janua cS
li (nous verrons plus loin le pourquoi de cette d�nomination). A l'un
des angles de la tour cr�nel�e flotte un petit �tendard portant cette inscription : � Citadelle de la douleur et du saint recueillement,
habitation de Laudem gloriae, en attendant la maison du PŁre . Sous le pont-levis, les strophes suivantes :
Amor meus crucifixus.
Une sainte �crivait en parlant de son Maitre
Oł donc habitait-il, sinon dans la douleur ?
C'est lą que je veux vivre, � ma MŁre, � mon prętre,
Pour exalter bien haut la croix de mon Sauveur.
Mais j'ai besoin de toi, sous l'ombre de ton aile
Je pourrai p�n�trer en ce divin palais.
En cette forteresse, en cette citadelle
Oł l'�me se repose en l'invincible paix.
David a dit du Christ : � Sa douleur est immense ,
En cette immensit� je fixe mon s�jour,
Lą je veux m'immoler en un sacr� silence
Pour ętre transform�e en victime d'amour.
Les Souvenirs  Chapitre 13 : La transformation en J�sus crucifi�
croix et souffre en elle comme une extension de sa Passion. L'�pouse est ą l'�poux ; le mien m'a prise ;
Il veut que je lui sois une humanit� de surcro�t, en laquelle Il puisse encore souffrir pour la gloire de
son PŁre ; pour aider aux besoins de son Eglise : cette pens�e me fait tant de bien ! Notre MŁre m'en
entretient souvent ; je l'�coute en fermant les yeux, et j'oublie que c'est elle ; il me semble que c'est
mon Ma�tre qui est prŁs de moi, qui m'encourage et vient m'apprendre ą porter sa Croix.
Cette bonne MŁre, si entra�nante dans les voies de l'immolation, ne pense qu'ą me soulager, ce que je
lui fais remarquer souvent ; mais je me laisse faire comme un petit enfant. Notre-Seigneur a dit ą sainte
Th�rŁse qu'Il pr�f�rait son ob�issance aux p�nitences d'une autre Sainte ; j'accepte donc les petites
douceurs de Marguerite quand mon estomac veut bien y consentir, et c'est ce qui le fait le moins
souffrir ces jours-ci.
A chaque nouvelle souffrance, je baise la croix de mon Ma�tre et je lui dis : merci, je n'en suis pas
digne ; car je pense que la souffrance fut la compagne de sa vie, et moi, je ne m�rite pas d'ętre trait�e
comme Lui par son PŁre.
Parlant de J�sus-Christ, une Sainte �crivait: � Oł donc habitait-Il, sinon dans la douleur19 ? Toute
�me broy�e par la souffrance, sous quelque forme qu'elle se pr�sente, peut donc se dire : j'habite avec
J�sus-Christ ; nous vivons dans l'intimit�, la męme demeure nous abrite.
La Sainte dont je te parlais tout ą l'heure, enseigne que le signe auquel nous reconnaissons que Dieu
est en nous et que son amour nous possŁde, c'est de recevoir non seulement avec patience, mais avec
reconnaissance ce qui nous blesse. Pour en venir lą, il faut contempler longtemps le Crucifi� par
amour, et cette contemplation, si elle est vraie, aboutit infailliblement ą l'amour de la souffrance.
ChŁre maman, re�ois ą la lumiŁre qui jaillit de la Croix toute �preuve, toute contrari�t� ; ainsi on
pla�t ą Dieu et l'on avance dans les voies de l'amour. Oh ! dis-Lui merci pour moi ; je suis si, si
heureuse ! Je voudrais pouvoir semer un peu de mon bonheur chez ceux que j'aime.
A Dieu ! je ne peux plus tenir mon crayon, mais mon cS
ur ne te quitte pas ; je te donne rendez-vous
ą l'ombre de la Croix, pour apprendre la science de la souffrance.
Ton heureuse fille,
Elisabeth de la Trinit�
19
Sainte AngŁle de Foligno.