Les Souvenirs Chapitre 14 : Tout prŁs du Sanctuaire
CHAPITRE XIV
Tout prŁs du Sanctuaire
L'Ange de Lisieux - Nuit de grce - Reine des Vierges et des Martyrs - Janua cSli - La petite tribune - Le 2 aot 1906 - DerniŁre
retraite.
ous avons entendu SSur Elisabeth de la Trinit exprimer le regret d'ętre revenue ą la vie. Ses ardentes
N
aspirations secondaient peu nos efforts et le ciel semblait lui donner raison. La MŁre Prieure avait
essay de rattacher son enfant bien-aime ą l'ide d'une gurison possible, lui faisant envisager celle-ci
comme un moyen de reconnatre par le dvouement aux emplois de la communaut tout ce qu'elle tenait de
la Religion ; c'tait faire vibrer la corde sensible en ce cSur dlicat. SSur Elisabeth entra bien dans ces vues,
mais un jour qu'elle rptait ą son divin Matre l'obdience reue, elle crut entendre au fond de l'me ces
paroles qui la remplirent de paix et de joie : Les offices de la terre ne sont plus pour toi . Ses dsirs de
l'ternit ne devinrent que plus ardents, aussi demanda-t-elle ą sa Prieure de l'autoriser ą s'y livrer
pleinement, et de faire cesser des priŁres qui combattaient son esprance, retardaient son bonheur. Il n'en fut
plus question en sa prsence ; elle souponna pourtant nos secrŁtes supplications et chercha un appui auprŁs
de l'Ange de Lisieux ; SSur ThrŁse de l'Enfant Jsus n'avait-elle pas prouv la divine nostalgie ? Elle
devait donc comprendre sa souffrance et savoir y compatir. Toute confiante, notre petite sSur sollicita
comme garantie contre ses craintes, la possibilit de marcher et fut exauce ą sa grande joie, certaine alors de
ne pas gurir.
Mon estomac est toujours rcalcitrant, crit-elle ą sa mŁre, mais figure-toi que je commence ą
marcher, je n'en reviens pas, car je ne suis pas plus forte qu'auparavant oł je ne pouvais pas męme
m'asseoir.
L'autre jour, me sentant trŁs fatigue quand notre MŁre est venue me voir, je lui dis que je m'en
allais. Au lieu de parler ainsi, me rpondit-elle, vous feriez bien mieux d'essayer de marcher . J'aime
tant ą lui obir ! Quand je fus seule, je fis des efforts sur le bord du lit et cela me faisait bien mal. J'ai
pri SSur ThrŁse de l'Enfant Jsus, non pas de me gurir, mais de me donner des jambes, et j'ai pu
marcher ; je suis comme une bonne vieille courbe sur mon bton. Notre MŁre me conduit ą son bras
sur la terrasse1 ; je suis toute fiŁre de mes alles et venues ; il me tarde de te donner une petite
reprsentation ; tu riras pour sr, car je suis bien drle. Je me rjouissais de t'annoncer cette bonne
nouvelle, pensant qu'elle te ferait grand plaisir.
Ne pleure pas ton Elisabeth ; le bon Dieu te la laissera encore un peu ; et puis au ciel, ne sera-t-elle
1
Passage dcouvert reliant deux ailes du monastŁre et servant de promenoir aux infirmes.
Les Souvenirs Chapitre 14 : Tout prŁs du Sanctuaire
pas toujours penche sur sa mŁre, cette mŁre si bonne et qu'elle aime de plus en plus. O chŁre maman !
regardons lą-haut. Cela repose l'me de penser que le ciel, c'est la maison du PŁre ; que nous y sommes
attendues comme des enfants bien-aims qui retournent au foyer aprŁs un temps d'exil, et que pour
nous y conduire, II se fait Lui-męme notre compagnon de voyage !
Nous ne traversons pas cette petite terrasse sans revoir en notre souvenir SSur Elisabeth de la Trinit,
surtout ą l'heure matinale oł, dans les beaux jours d't, elle venait rafrachir sa pauvre tęte accable par
l'insomnie. A peine installe dans un fauteuil, en face du sanctuaire, elle remerciait d'un sourire sa chŁre
infirmiŁre ; puis ses paupiŁres s'abaissaient, et tout semblait avoir disparu pour elle. Voilą Laudem gloriae
repartie dans son mouvement d'oraison , se disait-on ; en vrit la nuit męme ne l'avait pas interrompu !
AuprŁs d'elle tait son brviaire pour lui permettre, quand sonneraient les petites Heures, de s'unir ą la
psalmodie. Elle tenait entre ses bras une statue de la Sainte Vierge, qui jamais ne la quittait depuis une
certaine nuit de grces en laquelle poursuivant ses divins colloques, son regard s'tait repos sur une image
fixe ą la muraille et reprsentant la MŁre de douleur. Pntre d'une douce motion, elle avait senti au fond
de son cSur comme un affectueux reproche, une tendre et maternelle invitation ą un plus filial recours. Elle
avoua qu'en effet, elle pensait moins ą la Sainte Vierge depuis quelque temps ; mais dŁs lors, elle prouva un
redoublement d'amour pour sa MŁre du ciel. Se souvenant d'une Vierge de Lourdes auprŁs de laquelle, jeune
fille, elle avait reu bien des grces, SSur Elisabeth la demanda ą sa mŁre, afin que Celle qui avait veill sur
son entre, gardt aussi sa sortie2. Dsormais, elle ne la nomma plus que Janua coeli.
Sous l'impression de cette visite nocturne, la chŁre malade crivait :
La Reine des Vierges est aussi Reine des martyrs ; mais c'est en son cSur que le glaive la
transpera, car chez elle, tout se passe au dedans !
Oh ! qu'elle est belle ą contempler durant son long martyre, enveloppe dans une sorte de majest
qui respire ą la fois la force et la douceur ! C'est qu'elle avait appris du Verbe Lui-męme comment
doivent souffrir ceux que le PŁre a choisis comme victimes ; ceux qu'Il a rsolu d'associer au grand
Suvre de la rdemption.
Elle est lą, au pied de la croix, debout dans la force et la vaillance ; et voici mon Matre qui me dit :
Ecce Mater tua3 . Il me la donne pour MŁre. Et maintenant qu'Il est retourn au PŁre, qu'Il m'a
substitue ą sa place sur la Croix, la Vierge est lą pour m'apprendre ą souffrir comme Lui.
Quand j'aurai dit mon Consummatum est, c'est encore elle : Janua coeli, qui m'introduira dans les
parvis ternels, me disant tout bas la mystrieuse parole : Laetatus sum in his quae dicta sunt mihi, in
domum Domini ibimus4 . En attendant, SSur Elisabeth de la Trinit confie ą la Souveraine des Anges
2
Ps CXX
3
Jn XIX, 27
4
Ps CXXI, 1 (Extrait de la petite retraite dont il sera fait mention plus loin.)
Les Souvenirs Chapitre 14 : Tout prŁs du Sanctuaire
les entres de son cSur, qui, pour elle, est dją un ciel anticip.
Aujourd'hui, je t'ai bien donne ą Notre-Dame, crit-elle ą sa sSur, en la solennit du Mont-Carmel.
Jamais je ne l'ai tant aime ! Je pleure de joie en pensant que cette Vierge toute sereine, toute
lumineuse est ma MŁre ; comme son enfant, je me rjouis de sa beaut. J'ai un mouvement trŁs fort
vers elle ; je l'ai tablie reine et gardienne de mon ciel et du tien, car je fais tout pour nous deux.
Janua cSli tait devenue le mur et l'avant-mur5 des sanctuaires oł SSur Elisabeth de la Trinit
aimait ą se recueillir ; aussi la rencontrions-nous souvent au seuil d'une petite tribune donnant sur la
chapelle. DŁs que nous apercevions la Vierge Immacule, nous tions certaines du voisinage de notre
petite sSur.
Plusieurs fois par jour, je vais faire de bonnes visites ą mon Matre, crivait-elle ą sa mŁre, et je le
remercie de m'avoir donn des jambes pour aller jusqu'ą Lui : quelle joie pour mon cSur !
Ce fut, en effet, une grande consolation pour la chŁre enfant, de pouvoir se rendre dans cette tribune
d'infirmerie. Que de fois la MŁre Prieure la trouva-t-elle lą, plie en deux par la souffrance ! Un jour, ne
l'apercevant pas dans l'obscurit, elle l'appela par ce nom qui lui tait si cher : Laudem gloriae . La pauvre
enfant, toute ramasse sur elle-męme, essaya de se redresser, et, les larmes aux yeux, mais le sourire sur les
lŁvres : Je suis venue, dit-elle, me rfugier sous la priŁre de mon Matre, car j'avais besoin de sa force
divine : je souffre tant !
Le męme fait se reproduisit souvent.
Je la rencontrai comme une ombre, sur le palier de l'infirmerie , rapporte une de nos sSurs ; je lui
demandai un renseignement qu'elle me donna avec son amabilit accoutume, comme si elle n'et pas
souffert. J'appris ensuite qu'ą cet instant męme, elle se rendait ą la tribune pour chercher la force de
supporter une crise presque intolrable.
Que de fois passant par lą, je jetais un coup d Sil dans cette tribune ; elle paraissait vide, il fallait
s'approcher assez prŁs pour voir tout au fond notre bien chŁre sSur, accroupie ą terre, dans un petit
coin sombre. Elle m'apparaissait comme une personnification de la priŁre et de la douleur.
L'tat de la chŁre malade s'aggravait ; il lui devenait chaque jour plus difficile de s'alimenter. Ses maux
de tęte taient continuels, ses nuits sans sommeil ; mais une incessante oraison soutenait son courage.
Votre chŁre lettre m'a fait un bien grand plaisir, crit-elle ą son vnrable ami ; j'aime la pense de
saint Paul que vous m'avez envoye ; il me semble qu'elle se ralise en moi, sur ce petit lit qui est
l'autel oł je m'immole ą l'amour. Oh ! demandez que la ressemblance avec l'image adore soit chaque
jour plus parfaite : voilą ce qui me poursuit, ce qui donne de la force ą mon me dans la souffrance. Si
5
Is XXVI, 1
Les Souvenirs Chapitre 14 : Tout prŁs du Sanctuaire
vous saviez quelle Suvre de destruction je sens en tout mon ętre ! C'est la route du Calvaire qui s'est
ouverte pour moi, et je suis tout heureuse d'y marcher, comme une pouse ą ct du divin Crucifi.
Le 18, j'aurai 26 ans : je ne sais si cette anne s'achŁvera dans le temps ou dans l'ternit, et je vous
demande encore, comme une enfant ą son PŁre, de vouloir bien, ą la sainte Messe, me consacrer pour
ętre hostie de louange ą la gloire de Dieu. Oh ! consacrez-moi si bien que je ne sois plus moi, mais Lui,
Jsus ! et que le PŁre, en me regardant, puisse le reconnatre. Que je sois conforme ą sa mort6 , que
je souffre en moi ce qui manque ą sa Passion, et puis, baignez-moi dans le sang du Christ, pour que je
sois forte de sa force ą Lui ; je me sens si petite, si faible !
A Dieu, cher Monsieur le Chanoine, je vous demande de me bnir au nom de cette Trinit sainte ą
laquelle je suis spcialement ddie. Voulez-vous aussi me consacrer ą la Sainte Vierge ; c'est elle,
l'Immacule, qui m'a donn l'habit du Carmel, et je lui demande de me revętir de cette robe de fin lin7
dont l'pouse se pare pour se rendre au souper des noces de l'Agneau.
P.S. : Le 2 aot, j'aurai cinq ans de vie religieuse.
A cette date du 2 aot, elle adresse au Rvrend PŁre V... la lettre suivante :
Mon rvrend PŁre,
Je pense bien que l'an prochain, je vous fęterai avec saint Dominique en l'hritage des Saints, dans la
lumiŁre ; cette anne, c'est encore dans le ciel de mon me que je me recueille pour vous faire une fęte
tout intime, et j'ai besoin de vous le dire ; besoin aussi, mon PŁre, de vous demander votre priŁre, afin
que je sois toute, fidŁle et gravisse mon Calvaire en pouse du Crucifi. Ceux que Dieu a connus en
sa prescience, Il les a aussi prdestins pour ętre conformes l'image de son divin Fils8 . Oh ! que je
l'aime ce mot du grand saint Paul ! il repose mon me. Je pense qu'en son trop grand amour, Il m'a
connue, appele, justifie9, et, en attendant qu'il me glorifie, je veux ętre la louange incessante de sa
gloire. Mon PŁre, demandez-le-Lui pour votre petite enfant. Vous souvenez-vous ? Il y a cinq ans
aujourd'hui, je frappais ą la porte du Carmel, et vous tiez lą pour bnir mes premiers pas dans la
solitude ; maintenant, c'est aux portes ternelles10 que je frappe, et je vous demande de vous pencher
encore sur mon me, et de la bnir sur le seuil de la Maison du PŁre. Quand je serai dans le grand foyer
d'amour, au sein des Trois vers lesquels vous m'avez oriente, je n'oublierai pas tout ce que vous
avez t pour moi, et, ą mon tour, je voudrais aussi vous combler vous de qui j'ai tant reu. Oserai-je
vous exprimer un dsir ? Je serais heureuse de recevoir quelques lignes de vous, dans lesquelles vous
me diriez comment je dois raliser le plan divin ętre conforme ą l'image du Crucifi.
6
Ph III, 10
7
Ap XIX, 8
8
Rm VIII, 29
9
He VIII, 30
10
Ps XXIII, 7
Les Souvenirs Chapitre 14 : Tout prŁs du Sanctuaire
A Dieu ! mon rvrend PŁre, je vous prie de me bnir au nom des Trois , et de me consacrer ą eux
comme une petite hostie de louange.
2 aot
ChŁre maman, te rappelles-tu, il y a cinq ans ?... Je me souviens moi, et Lui aussi !... Il a recueilli le
sang de ton cSur dans un calice qui pŁsera bien lourd dans la balance de sa misricorde !
Hier, je me reportais ą notre derniŁre soire, et, comme je ne pouvais pas dormir, je me suis installe
prŁs de la fenętre et suis reste, presque jusqu'ą minuit, en oraison avec mon Matre ; j'ai pass une
soire divine. Le ciel tait si bleu, si calme ; on sentait un tel silence dans le monastŁre... et moi je
repassais ces cinq annes tant combles de grces. ChŁre maman, ne regrette pas le bonheur que tu
m'as donn ; oui, grce ą ton fiat, j'ai pu entrer en la sainte demeure, et seule avec Dieu seul, prouver
un avant-got de ce ciel qui attire tant mon me.
Cette nuit, j'ai offert de nouveau le sacrifice que tu as fait il y a cinq ans, afin qu'il retombe en pluie
de bndictions sur celle que j'aime plus que tout. Vis avec Lui. Ah ! je voudrais pouvoir dire ą toutes
les mes quelles sources de force, de paix et aussi de bonheur elles trouveraient, si elles consentaient ą
vivre en cette intimit ; seulement elles ne savent pas attendre ; si Dieu ne se donne pas d'une faon
sensible, elles quittent sa sainte prsence, et quand Il vient ą elles avec tous ses dons, Il ne trouve
personne ; l'me est au dehors, dans les choses extrieures ; elle n'habite pas au fond d'elle-męme.
Recueille-toi de temps en temps, chŁre maman, et ainsi tu seras tout prŁs de ton Elisabeth...
Notre petite malade sentait sa fin prochaine, aussi prparait-elle sa pauvre mŁre, srieusement atteinte
elle-męme, ą consommer le grand sacrifice.
ChŁre maman, qu'il fait bon parler de Lui et monter plus haut que ce qui passe et finit ! plus haut que
la souffrance et la sparation... lą oł tout demeure ! Quelle consolation c'est ą ton Elisabeth de pouvoir
te parler de ses projets pour l'ternit. N'oublie pas que tu as promis, ą l'lvation de la sainte Messe,
de te tenir avec la Vierge au pied de la Croix, pour offrir ensemble ą Dieu votre enfant !
Combien la souffrance est ncessaire pour faire l Suvre de Dieu en l'me ! Le bon Dieu a un dsir
immense de nous enrichir de ses grces ; mais c'est nous qui Lui faisons la mesure, dans la proportion
oł nous savons nous laisser immoler par Lui : immoler dans la joie, dans l'action de grces comme
Jsus, disant avec Lui : Le calice que le PŁre m'a prpar, ne le boirai-je pas11 ? Le divin Matre
nommait l'heure de la Passion, celle pour laquelle Il tait venu12, et qu'Il appelait de tous ses dsirs.
Quand une grande souffrance ou un tout petit sacrifice se prsente ą nous, pensons bien vite que c'est
notre heure, l'heure oł nous allons prouver notre amour ą Celui qui nous a trop aims . Recueille
11
Jn XVIII, 11
12
Id. XII, 27
Les Souvenirs Chapitre 14 : Tout prŁs du Sanctuaire
donc tout, chŁre maman, offre une belle gerbe en ne perdant pas le plus petit sacrifice ; au ciel, ils
seront autant de beaux rubis dans la couronne que ton Dieu te prpare si belle. J'irai l'aider ą faire ce
diadŁme, et je viendrai avec Lui, au jour de la grande rencontre, pour le dposer sur le front de ma
mŁre chrie.
A Dieu, aimons-le en vrit. Puisons courage en notre union avec Lui ; l'me qui vit sous son regard
se trouve revętue de sa force, elle est vaillante dans la souffrance.
A cette poque les plus beaux passages de l'Apocalypse captivaient SSur Elisabeth de la Trinit, la
plongeant en des visions d'ternit qui l'attiraient vers les sommets sur lesquels l'Esprit et l'pouse
s'appellent. Le besoin d'une plus complŁte solitude lui fit alors solliciter la grce d'une retraite, qu'elle
entreprit au soir du 15 aot pour prparer sa retraite ternelle. Voici en quels termes nous trouvons ą l'adresse
de l'une de ses sSurs l'annonce de l'heureuse nouvelle.
Janua cSli, ora pro nobis !
Laudem gloria entre ce soir au noviciat du ciel, afin de se prparer ą recevoir l'habit de gloire, et se
sent presse de venir se recommander ą sa chŁre sSur A... La conformit, l'identit avec mon Matre
ador, le Crucifi par amour, voilą ce que je vais me faire enseigner. Alors je pourrai remplir mon
office de louange de gloire et chanter dją le Sanctus ternel, en attendant d'aller l'entonner dans les
clestes parvis. Ma sSur, fixons notre Matre et que ce regard de foi, simple et amoureux, nous spare
de tout et mette comme une nue entre nous et les choses d'ici-bas ; notre essence est trop riche pour
qu'aucune crature puisse la saisir. Rservons-Lui tout ą Lui seul, et avec David chantons au Seigneur
sur notre harpe : Je vous conserverai ma force13.
Pendant ces jours bnis, SSur Elisabeth fut emporte vers le Calvaire ; son Matre bien-aim lui parlait
de sa Passion, non en formules, mais lui ouvrant de nouveaux horizons sur l'amour cach dans la Croix, Il lui
faisait comprendre que ses ręves d'union trouveraient leur ralisation dans la souffrance. La gnreuse
enfant, plus que jamais ravie d'amour, s'enivrait au calice divin dont l'amertume se changeait pour elle en
douceur infinie. Sa retraite s'acheva en la Ddicace des Eglises de l'Ordre (31 aot). Maison de Dieu, SSur
Elisabeth de la Trinit avait un attrait spcial pour ces solennits ; elle y renouvelait, avec sa conscration
aux Trois divines Personnes, son amour et son zŁle pour leur gloire.
Une faveur toute spciale avait prpar cette derniŁre Ddicace.
C'tait le jour de l'Ascension, la MŁre Prieure, retarde dans sa visite matinale ą l'infirmerie, en
exprimait le regret ą sa chŁre enfant, non sans remarquer l'expression de sa physionomie toute transfigure.
13
Ps LVIII, 10
Les Souvenirs Chapitre 14 : Tout prŁs du Sanctuaire
O ma MŁre, rpondit la petite malade, n'ayez aucune peine ą mon sujet ; le bon Dieu m'a fait une
telle grce que j'ai perdu la notion du temps. Dans la matine, cette parole me fut dite au fond de l'me
Si quelqu'un m'aime, mon PŁre l'aimera ; nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre
demeure14 . Et au męme instant, j'ai vu combien c'tait vrai. Je ne saurais dire comment les Trois
divines Personnes se sont rvles ; mais pourtant je les voyais, tenant en moi leur conseil d'amour, et
il me semble que je les vois encore ainsi. Oh ! que Dieu est grand et que nous sommes aims !
Jusque-lą, ajoute la MŁre, la chŁre enfant avait souhait que nos entrevues n'eussent pas de retard ;
mais alors elle me dit :
Dsormais, ne vous proccupez plus de contenter mes dsirs ; quand vous ne pourrez venir, vous
penserez que je suis avec mes Htes divins ; je ne dois et ne peux plus rien vouloir, sinon vivre en leur
intimit. Je sens si bien qu'ils sont lą, disait-elle joignant les mains sur son cSur.
Dans la suite, si je lui recommandais quelque particuliŁre intention :
Je vais en parler ą mon Conseil tout-puissant , rpondait-elle ; c'est ainsi que, depuis l'Ascension,
elle nommait les Trois divines Personnes.
Cette manifestation intime de la Sainte Trinit couronne sa vie toute de recueillement sous la grce du
mystŁre qu'elle adorait sans cesse en elle-męme, dans ce centre oł saint Jean de la Croix nous le montre
cach, mais divinement oprant. Elle apparat comme une supręme ddicace de ce petit Tabernacle, dont la
translation dans le Temple ternel n'tait plus loigne. Aussi la fęte du 31 aot 1906, fut-elle avant tout une
fęte d'action de grce.
Dans la pense que cette retraite serait la derniŁre pour son enfant bien-aime, la MŁre Prieure lui avait
exprim le dsir qu'elle nott simplement ses bonnes rencontres. Il lui aurait t difficile de mettre par crit
ce qu'elle recevait de Dieu en la forme profonde autant que simple dont nous avons parl. Cependant SSur
Elisabeth de la Trinit avait devin sa MŁre et put lui laisser un petit mmorial de sa chŁre solitude.
DerniŁre retraite de Laudem gloriae , lui dit-elle, en le lui remettant ą l'occasion d'un anniversaire prpar
avec toutes les dlicatesses d'un cSur filial...
Quelques rminiscences de ses lectures dans le Nouveau Testament, accompagnes de rflexions
personnelles, composent ces pages crites au cours d'insomnies pnibles, sous l'treinte de douleurs parfois
si vives que la pauvre enfant se sentait dfaillir. Il semble, en les parcourant, qu'on lise en l'me prdestine
qui aurait pu les intituler : Souvenirs intimes.
14
Jn XIV, 23
Wyszukiwarka
Podobne podstrony:
Souvenirs chapitre 4Souvenirs chapitre 8Souvenirs chapitreSouvenirs chapitre 7Souvenirs chapitreSouvenirs chapitreSouvenirs chapitre 2Souvenirs chapitre 6 anteSouvenirs chapitreSouvenirs chapitreSouvenirs chapitreSouvenirs chapitre 1Souvenirs chapitre 6Souvenirs chapitre 5Souvenirs chapitre 9Souvenirs chapitreSouvenirs chapitreSouvenirs chapitre 3FREUD Un souvenir d enfance?ns fictionwięcej podobnych podstron