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Dieu est plein de bonte, et lors que nous nous rendons a luy, il nous massacre. Les Iroquois, nos ennemis mortełs, ne croyent point en Dieu, ils n’ayment point les prieres, ils sont plus meschans que les Demons, et cependant ils prosperent; et depuis que nous ąuittons les faęons de faire de nos ancestres, ils nous tuent, ils nous massacrent, ils nous bruslent, ils nous exterminent de fond en comble42.
Peu a peu, les missionnaires sont accuses d'etre a 1’origine de tous les malheurs. Lorsque les enfants voient arriver les pretres, Us s’ecrient que «la famine et la maladie viennent»43. Les objets des missionnaires tels que tableaux, images, hosties, breviaires, missels, encriers, etc., sont sans doute, aux yeux des autochtones, les instruments de sorcellerie qui causent ces mi ser es.
Cette opposition se transforme finalement en attaque directe. Plusieurs infideles essaient de chasser les missionnaires, abattent des croix, brandissent la hache sur Ieur tete. Les enfants, de leur cóte, insultent ces sorciers etrangers et leur jettent des pierres et des batons44. On les menace meme de mort. La Relation de 1642 du pere Jeróme Lalemant raconte 1’action d’un jeune chef Huron, Assiskwa, avant son bapteme. Alors qu’il est sur le point d’entrer dans une eglise, il se sent saisi par un esprit qui, en se servant de sa bouche, declare que les Franęais sont en train de detmire la nation Huronne, et qui ordonne a ces demiers de tuer tous les Franęais45. Ce phenomene illustre la grandę pression psychoiogique que les Amerindiens supportent dans cette crise de la societe traditionnelle.
Les chamans, porte-parole des divinites autochtones sur la terre et intermediaires de ces demieres avec le monde humain, sont les ennemis feroces des « chamans » europeens et de la nouvelle religion. En profitant de leur role particulier, ils favorisent et propagent des rumeurs selon lesquelles la diffusion du christianisme et 1’abandon des croyances traditionnelles occasionnent tous les malheurs des autochtones. Un chaman essaie de decouvrir cette cause dans la doctrine biblique: comme les Franęais enseignent que «la premiere femme qui fiit jamais a introduit la mort dedans le monde », il en conclut que les
42 Relations des jesuites, 1972, vol. 3, 1643, p. 73 (Relation de Baithćlemy VIMONT); 1644, p. 95 CRelation du pere Jeróme LALEMANT).
43 Ibid, vol. 2% 1640, p. 96 (Relation de Jeróme LALEMANT).
44 ROCHEMONTEDC Les Jśsuites [...]. 1895, vol. 1, p. 371-372.
45 THWAITES. The Je suit Relations 1959, vol. 23. 1642, p. 140-148 (Relation de J. LALEMANT).