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qu'« ils detoument aussitót le discours sur un autre sujet» lorsqu*il aborde la question des mysteres chretiens63.
Parmi le peuple, les conflits proviennent souvent de 1'incompatibilite entre les
pratiques chretiennes et les rites chinois. Contrairement a la Nouvelle-France du XVTT siecle ou les jesuites conserveront longtemps le monopole de la propagation du catholicisme, la Chine de la meme epoque est investie par plusieurs ordres religieux : jesuites, dominicains, franciscains, augustins et « Messieurs » des Missions etrangeres. Meme parmi les jesuites, il existe deux missions dififerentes : la mission portugaise et la mission franęaise. La situation y est par consequent plus complexe. Les methodes et les strategies de chaque ordre sont dififerentes. Dans Fensemble, les jesuites accordent plus d’attention a la coutume. Par exemple, ils respectent assez la distance entre les hommes et les femmes : lorsqu*ils doivent catechiser celles-ci, ils commencent souvent par convertir leur mari, afin que ces demiers instruisent eux-memes leurs femmes64; ou encore, ils envoient aupres d'elles des femmes converties65. Pour celebrer des ceremonies chretiennes, ils rassemblent les femmes dans une autre eglise que celle ou se trouvent les hommes, appelee «Chin-Mou-Tam» (Shengmutang, le «tempie de la Sainte Mere »)66. Toutefois, d’autres missionnaires europeens venus d’Amerique ou des Philippines, forts de leur experience dans ces regions tres dififerentes de la Chine, emploient les memes methodes dans les provinces chinoises. Ainsi, ils contactent directement les femmes et les melent aux hommes au cours des rites. Ces actions contrevenant aux normes morales confucianistes favorisent de multiples rumeurs. On dit que les missionnaires barbares utilisent des remedes sexuels pour seduire les femmes67. Comme les Chinois de cette epoque ne font pas bien la difiference entre les divers ordres ecclesiastiques europeens, les jesuites franęais sont inevitablement impliques dans les conflits qui surviennent entre les missionnaires et le peuple. Ainsi, en juillet 1723, dans la
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Lettre du pere PARRENIN du 28 septembre 1735, dans VISS1ERE, Lettres edifiantes et curieuses [...], 1979. p. 374.
Lettre du pere de CHAVAGNAC du 10 fevrier 1703, dans VISSEERE, op. c/r., p. 95-96.
PFISTER. Notices biographiąues [...], 1932-1934, n°243, p. 550.
LECOMTE. Un jesuite ó Pekin [...], 1990, p. 428.
XU Dashou. « Zuopi ». Poxieji% 1855, voI., 4, citó par GU Weimin. Jidujiao yu jindai Zhongguo shehui CLe christianisme et la societe de la Chine contemporaine), Shanghai, Renmin chubanshe, 1996, p. 64.