150 Laurenjiu ętefan-Scalat 4
Le cas yougoslave est revelateur du role et de la responsabilitć des politiąues dans la creation et la gestion du probleme national. C’est pour cela que Stevan K. Pavlowitch se concentre sur 1’histoire politiąue des Slaves du Sud, avant et apres la constitution de 1’Ćtat yougoslave. Minę des le debut d’une contradiction structurelle, le yougoslavisme n’a jamais pu constituer une identitć. II a toujours etć un concept politiąue, une ideologie et rien d’autre, ayant le sens que chaque partie Iui donnait. Si, pour la Serbie, le yougoslavisme etait surtout un moyen d’unifier tous les Seibes dispersćs, pour la Croatie, il n’etait que le noyau d’une association qui devait permettre aux Croates de parler d’une voix plus forte. Malheureusement, une fois acquis, c’est l’Ćtat yougoslave lui-meme et son fonctionnement qui sont devenus les objets de la confirontation entre Serbes et Croates. La predominance serbe, patente entre les deux guerres, surtout dans la conception unitaire de 1’Ćtat commun, a etć renversće ou, au moins, ćąuilibree, apres 1945, par la constitution d’une republiąue fedćrale. Mais, apres 1990, c’est la perspective d’une nouvelle mainmise serbe sur la federation qui a conduit, tour a tour, les SIovenes, les Croates et les Bosniaąues £ se detacher de 1’ensemble federal. La manipulation de 1’histoire, «Porchestration des souvenirs d’atrocites» commises il y a cinąuante ans ont mobilisć la chair a canon necessaire & une guerre voulue par les politiąues.
Une deuxieme section, plus homogene, Divorces desires, divorces redoutes, est consacree au mouvements separatistes occidentaux, relances, depuis 1992, dans le sillage de la «reussite» du divorce tcheco-slovaque. Pour Petr Pithart (L 'asymetrie de la separation tcheco-slovaque), 1’une des causes principales de cette separation, qui s’ajoute aux decalages d’evolution historiąue et de dćveloppement economiąue, est a trouver dans l’£tat unitaire de l’entre-deux-guerres qui n’a pa su creer une nation politiąue tchecoslovaque. Mais c’est aussi sur le plan psychologiąue et des representations que s’est jouee la separation. Les Tcheąues etaient, depuis toujours, vis-a-vis des Slovaques, en position de superiorite, avec une arrogance qu’ils ne cherchaient pas a cacher. Apres 1990, par exemple, les Siovaques etaient consideres «incapables de se debarasser de la mentalitć socialiste et de 1’habitude de se remettre a l’Ćtab> (p. 168), inaptes donc pour lareforme economiąue conęuepar les strateges tcheąues. Cela convergeait avec la «mediocre estime de soi des Slovaques» (p. 170), d’ou une sorte d’«imperialisme psychique», prolonge dans 1’utilisation commune des institutions federales. L’incapacite des parties a aboutir a une reforme de la federation a laissć la place a 1’egoi'sme economiąue tcheąue et au populisme slovaque qui ont entrame la separation.
Au Quebec (Quebec: la societe distincte, jusąu 'ou?), une dynamiąue analogue repose sur des motivations presąue opposees. L’auteur, Michael Ignatieff, revient sur les contextes consideres generalement comme stimulateurs du nationalisme, pour nous faire comprendre «roriginalite» du nationalisme ąuebecois. Situation «classique», celui-ci a emerge des revendications linguistiąues, economiąues et culturelles. L’etonnant est ąue, au fur et a mesure que ces revendications etaient satisfaites et le Quebec devenait maitre chez soi, le nationalisme, au lieu de s’assouvir, augmentait. Si le nationalisme initial du «ressentiment» (comme dans le cas s!ovaque) s’est transforme en nationalisme «d’affirmation de soi» (p. 156),