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constitue un Etat independant politiąuement et economiąuement dont 1'influence se fait sentir dans toute I'Asie de l’Est. Ainsi, les Europeens en Chine ne peuvent pas exercer les memes pressions pour forcer les Chinois a acceder a leurs demandes. Pourtant, plusieurs facteurs d'ordre materiel ou pratiąue incitent egalement des Chinois a embrasser la nouvelle religion.
Comme en Amerique du Nord, la guerison des mai ad es est i’un de ces facteurs. Si aucune epidemie n'est introduite a la suitę de l'arrivee des missionnaires europeens en Chine, plusieurs maladies affectent la population et causent de nombreuses morts, surtout parmi les enfants. Aussi, echapper a la maladie est un souci constant. Quand iis prechent, les missionnaires jouent le role de sorciers et d’exorcistes dans la guerison des malades et dans la chasse aux demons. Les remedes qu’ils utilisent et les miracles qu’ils declarent avoir obtenus constituent une forte attraction pour ces gens du peuple. Le pere de Fontaney rapporte que, souvent, des parents prient les missionnaires de voir leurs enfants malades « pour savoir si en Europę nous n*avons pas de remedes contrę leurs maladies a23. Plusieurs Chinois se convertissent ainsi, animes par le desir de guerir. En effet, le premier converti est un malade abandonne par sa familie. Touche par son retablissement impute au pere Michel Ruggieri (1543-1607), jesuite italien, il montre son interet a la conversion, meme s’il ne connait pas encore le christianisme24. Un autre malade promet au pere Dentrecolles que « s’il guerissoit, il se feroit aussitót chreden »25. Lłinstruction de ces malades est souvent simple et precipitee : des pretres ou des chretiens les instruisent sommairement et, tout de suitę apres, ils leur demandent s’ils croient en tous les ardcles chredens et s’ils sont prets a renoncer a leurs croyances anciennes. Pour se delivrer de leurs souffrances, les malades repondent toujours « oui »2<s. Par ce moyen, les missionnaires obtiennent facilement de nombreuses conversions. Pourtant, comme le remarque Jacques Gemet, le temoignage des
23
Lettre de FONTANEY du 15 fevrier 1703, dans VISS 141-142.
*E, Lettres edifiantes et curieuses [...], 1979,
24 ZHAO Shiyu. « Simiao gongguan yu Ming Qing Zhong Xi Wenhua chongtu » (« Les temples chinois et les conflits culturels sino-occidentaux »), Recherches d’histoire chinoise, 1992, n° 4, p. 155-162.
25 Lettre de DENTRECOLLES du 10 mai 1715, dans Choix des lettres edifiantes [...]% 1835, vol. 2, p. 383.
26 Voir. par e.xemple, lettre de CHAVAGNAC du 10 fćvrier 1703, dans VISSIER£, Lettres edifiantes et
curieuses 1979. p. 99-100.