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contemporains. L'ere des grandes chevauchees medievales est terminee. Desormais, les guerres sont avant tout des guerres de siege, tout au moins dans les regions tres urbanisees.
Louis XIV les considerait a la fois comme un art et comme un divertissement suprfcmes, une sorte de "jeu d'echecs" selon l'expression ironiąue de Madame de Sevigne... Le grand roi y voyait le meilleur moyen d'agrandir le royaume : or, disait-il, "s'agrandir est la plus digne et la plus agreable occupation des souverains".
La guerre des sieges est conforme a 1'ideal classique3, elle słapparente a une science exacte dont 1'issue ne peut faire de doute si elle est bien conduite. Dans une bataille en rasę campagne, le sort des armes se joue parfois en quelques heures et le hasard y tient un róle non negligeable. Tout au contraire, la defense ou l'attaque d’une place forte s’organisent avec methode et rigueur. C'est une oeuvre de raison. Elle fait appel aux Sciences exactes, la balistique pour les bombardements et la geometrie la plus sophistiquee aussi bien pour Tetablissement des fortifications de la vilie que pour ia misę en place par les assiegeants de kilometres de "remuements de terre" : lignes de cłrconvallation (ces dernieres a elles seules atteignaient 26 kilometres de developpement au siege de Lille en 1708), lignes de contrevallation, lignes de fortifications, fortins, redoutes, parcs <fartillerie, parcs a vivre et dlmpedimenta (toujours entoures de fosses et de levees de terre comme d'allleurs les reserves de poudre ou le campement des officiers), pour ne point parler de la misę en place des batteries protegees par des gabions, des reseaux de fascines et, enfin, du creusement des traditionnelles “paradleles” (ces tranchees d'approche, parfois tres larges puisqu'elles doivent permettre le passage de 1'artillerie, sont reliees entre elles par d'etroits boyaux) ainsl appelees car elles sont disposees aussi parallelement que possible au rempart a attaquer afin d*echapper aux tirs en enfilade : la premiere parallele qui marque Touyerture des operations est destinee a la misę en place des batteries, la seconde a relier les positions des batteries les plus rapprochees des murailles de la vilie, tandis que la troisieme permet 1'assaut du chemin couvert^.
Un siege en regle implique egalement d’enormes problemes de logistique et d'intendance, mais il est vrai que Ton fait generalement appel a des entreprises privees 2 les f,entrepreneurs de lits" qui, pour une somme forfaitaire par lit, s'engagent a soigner les blesses et, surtout, les "entrepreneurs de siege” pour aider aux travaux de terrassements et pour assurer une partie du ravitaillement, mftme si, en pays ami, les officiers tolerent le vol de nourriture, ce que l'on appelle le ',fourrageage,, : prise de volailles, de petit betail, etc. Bien entendu, cela degenere souvent en pillages, tortures, meurtres, que les troupes ennemies ne sont pas seules a commettre. II est vrai que les malheureux paysans peuvent en principe y echapper grSce a la curieuse pratique des "sauvegardesM (deja connues pendant la guerre de Cent Ans sous le nom d'appatis), elles sont parfois obtenues, m£me des armees ennemies, pour une propriete seigneuriale ou abbatiale et surtout pour 1'eglise, ce qui permet alors aux villageois d*y entasser leurs biens les plus precieux, moyennant finance. La "sauvegarde" est assuree par une attestation ecrite, la pose d'un ecusson et parfois par une ou plusieurs sentinelles.