contrę eux. En etablissant ainsi entre la naturę et le sumaturel une sepa-ration, ils ont certainement cede au courant de laicisation de la vie qui commenęait a se faire sentir si fortement sur tous les terrains de la vie 825). Or c’est precisement contrę toutes les formes sous lesąuelles le naturalisme s’est manifeste au moment de la „crise de la conscience europeenne”, que Bossuet a engage le combat.
La solution que, sur le plan de la morale, on a donnee jusqu’ici a la question du jansenisme de Bossuet, pese un peu plus lourd sur sa memoire. On a cru decouvrir dans sa vie un developpement vers le rigorisme janseniste.
Personne ne contestera qu’il ait toujours ete un moralistę severe. Les idees pessimistes sur la naturę dechue etaient en Tair en ce moment-la, et il faut eviter de confondre ce pessimisme religieux presque generał avec le jansenisme. Bossuet a essaye de ,,tenir le milieu entre les deux extre-mites”. Monte en chaire pour prononcer Toraison funebre de Nicolas Cornet, il reprouve „ceux qui mettent la vertu trop haut”. Qu’ils ne se vantent surtout pas „d’aller droitement, sous pretexte qu’ils semblent chercher une regularite plus scrupuleuse”! Mais il s’oppose aussi a „ceux qui se detournent a gauche, qui penchent du cóte du vice et favorisent la part de la corruption”. II ne faut pas „accabler la faiblesse humaine en ajoutant au joug que Dieu nous impose”. 11 ne faut pas non plus avoir une confiance temeraire en ses forces 326). Dans le sermon pour la profes-sion de Mme Cornuau, prononce trente-cinq ans plus tard, nous retrouvons le meme conseil de fuir les extremites, et de tenir le juste milieu 327).
Cela ne nous semble pas indiquer une evolution vers le jansenisme. Son accent est quelquefois tres amer, mais il a bien vite fait de retrouver son equilibre.
Pour ceux qui admettent une legere deviation vers la droite, sa Justifi-cation des Reflexions Morales formę un des principaux documents a charge. Mais, comme nous venons de le voir, Tattitude de Quesnel lui-meme envers l’eveque de Meaux nous interdit de manier cet argument sans mure reflexion.
Ici encore nous pietinons sur place. Pour avancer, il faudrait connahre avant tout la source de son pessimisme relatif. Est-ce celui d’un theologien, qui prenait son point de depart dans une conception abstraite et orgueilleuse de rhomme avant la chute, engendrant, par contre-coup, une vision deses-perante sur cette meme creature dechue de si haut; ou est-ce celui d’un confesseur, commande avant tout par Texperience concrete de la vie, triste illustration de la faiblesse humaine?
325) Cf. H. de Lubac, o.c., p. 15 sq., qui nous a inspire pour une large part le raisonnement suivi ici.
326) Le 27 juin 1663, CEnvres oratoires, t. IV, p. 477-478.
32*) Le 22 mai 1698, Ib., t. VI, p. 537.
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