TROIS ARMES DfeFENSIYES. LA NEGATION.
On a pu observer dans le protestantisme europeen trois reactions en face de la nouvelle methode de Bossuet. Les uns se demandaient si Teveque n'etait pas devenu un des leurs; les autres Taccusaient d’avoir embelli sa religion, et le defiaient d’obtenir Tapprobation du Saint-Siege pour ce libelle scandaleux; d’autres enfin avouaient timidement qu’il ne restait aux protestants qu’a revenir a TEglise romaine, si elle etait vraiment telle que Bossuet l’avait peinte. Ce dernier aveu, si timide qu’il ait ete, n’a jamais ete entendu en Hollande. Tout y menait a Geneve; impossible de se fourvoyer dans la direction de Romę.
On a pu noter parfois la reaction contraire. A force d’avoir voulu incorporer a la tradition catholique toutes les parties assimilables du protes-tentisme, Teveque de Meaux faillit etre entraine dans le camp ennemi. Pour rendre sa foi plus attrayante aux yeux des reformes, il avait cru bien faire en essayant de les persuader qu’elle n etait pas si eloignee de la leur qu’on voulait le faire croire generalement. N’avait-il pas ainsi approuve implicitement leur foi? 380) C’etait evident: la vieille Romę etait „aposta-tique”, et un de ses enfants les plus perspicaces avait fini par profiter des lumieres de la Reforme381).
Ceux qui choisissaient ce parti sentaient pourtant toutes les possibilites d’erreur qu’il renfermait. On avait beau retourner contrę Bossuet ses propres armes, 1’emploi meme de ces armes restait dangereux. Le tour ingenieux et brillant que Bossuet avait su donner a ses pensees, pouvait eblouir les gens qui ne reflechissent pas. Les simples fideles pouvaient s;y tromper et les imprudents couraient risque de se laisser ramener a Babel 382). II fallait se tenir sur ses gardes. Aussi s^charnait-on a incul-quer aux lecteurs que Bossuet, tout en jouissant d’une autorite sans pareille, n’etait pas toujours Romę 38S).
11 est manifeste que l’eveque de Meaux, avec ses manieres d’honnete homme, leur donnait sur les nerfs, et qu'au fond ils aspiraient tous a rejoindre le plus grand nombre de ceux qui, d5emblee, avaient prefere la methode, plus grossiere il est vrai, mais plus surę aussi, qui consistait a mettre simplement en doute la veracite de Toeuvre de Bossuet. Tous guet-taient impatiemment le moment ou il ferait un faux pas pour rompre le sortilege ou son honnetete les tenait captives. Ce moment vint avec la publication de YHistoire des Vańations. L’historien chez Bossuet nłavait pu bannir completement en lui le pretre militant. 11 avait peut-etre trop insiste sur les dereglements de moeurs des reformateurs, sur leurs fai-blesses humaines, heureux de pouvoir montrer comment elles avaient
3S0) Lettre de Jean Rou a Bossuet du 8 mai 1686, Corresp., t. III, p. 252.
381) M. Leydecker, o.c., p. 300.
382) Ib<
383) Ibł
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