Un auteur hollandais invitait il y a quelque temps ses lecteurs a avouer que le nom eloquent de 1 eveque de Meaux provoque en eux une attitude deferente et respectueuse, sans qu'ils aient jamais lu pour autant le moindre de ses ouyrages1). 11 nous semble en effet incontestable qu'en Hollande Bossuet appartient a ces hommes celebres dont F. Brunetiere a dit qu’ils sont „ensevelis dans le linceul de leur propre gloire”2 3). La tradition, a qui souvent suffit la gloire, et non point ce qui la provoqua, a consacre son nom, mais en le privant de son rayonnement. Qui dit actuellement „Bossuet”, dit „eloquence”, „oraisons funebres”; on admire l'eveque majestueux et le celebre orateur; quelques-uns connaissent sa philosophie de 1’histoire; d’autres, rattachant son nom au gallicanisme, se croient forces de parler de lui avec une certaine reserve. Tres peu le connaissent vraiment et savent quelles richesses profondes se trouvent amassees dans son oeuvre, quel travailleur inlassable se recele derriere la pompę episcopale dont Rigaud Ta pour toujours revetu. Presque personne ne se doute plus de la lutte gigantesque et douloureuse qu'il a soutenue contrę 1’esprit de liberti-nage qui gagnait chaque jour du terrain.
Bossuet aurait ete le demier a s’etonner ou a se plaindre de Toubli dans lequel ses oeuvres sont tombees. Orchestrant brillamment les paroles de 1’Ecclesiaste sur la vanite de toutes les choses humaines, il a compare lui-meme les hommes a des flots qui, apres avoir fait un peu plus de bruit et traverse un peu plus de pays les uns que les autres, vont tous se confondre dans un abime ou Ton ne reconnait plus aucune des qualites superbes qui distinguent les hommes8).
II faut vraiment que 1’eclipse de sa renommee ait ete complete pour qu'on omette son nom dans un „resume des recherches sur les rapports litteraires entre la France et la Hollande”, publie il y a quelque vingt ans, et ou Tauteur passait en revue les etudes qui ont ete deja faites, et indiquait plusieurs sujets qu’on pourrait encore etudier ou mettre au point4). Quoi
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a) A. van Duinkerken, Roofbouw, p. 87.
) F. Brunetiere, Discours de Combat, derni^re serie, p. 42.
) Oraison funebre de Henriette-Anne d’Angleterre (CEuvres oratoires, t. V, p. 655-656).
) K. Gallas, dans la Revue de litterature comparee, 1927, p. 316 sq.