LA DIFFAMATION.
La pire calomnie n’a pas ete epargnee a Bossuet. La fable dont nous venons de suivre le succes, n’est pas la seule qui ait ete colportee sur son compte. II y en avait une autre, plus pernicieuse et qui minait Yautorite de ses oeuvres en le frappant dans ses moeurs et dans son integrite morale.
Nous avons vu comment en 1688 on avait encourage les protestants a faire retomber sur la tete de Bossuet les calomnies dont il aurait ose charger les Reformateurs. II aurait ete bien etonnant si Jurieu n’y avait prete oreille. Le premier, il s’est servi contrę Bossuet de Farmę tranchante de la calomnie. Tout en avouant qu’il n’en savait rien et qu’il voulait bien croire qu’il n’en etait rien, il avanęait, sur le temoignage de quelques pretres renegats, que l’eveque de Meaux avait eu ,,neuf enfants et plusieurs concubines” 401). II n’a pourtant pas reussi k porter atteinte a la renommee de Bossuet. La reponse indignee de celui-ci suffisait a ecarter ces calomnies402). De son vivant on ne Ta plus attaque dans sa vie personnelle.
Apres sa mort pourtant il courut de nouveau des bruits sur un mariage secret qu’il aurait conclu avec une nommee Mile de Mauleon. Les recherches minutieuses de ces demiers temps ont reduit cette belle histoire a ses veritables proportions de racontar scandaleux, en mettant en lumiere les contradictions sans fin des soi-disant temoignages. Tout ce qui en reste, c’est que Bossuet, qui n’a jamais trop bien gere sa fortunę, a eu Timpru-dence de se porter caution pour la demoiselle en question, ce qui lui a cause des difficultes tinancieres, a lui et a ses heritiers. Voila la source de tous les bruits diffamatoires, repandus sur lui 403).
Voltaire, qui les recueillit dans son Siecle de Louis XIV, nosa pourtant pas s'attaquer a la vertu de Teveque qui lui inspirait beaucoup de respect, et ne parła que d’un contrat de mariage qui aurait ete conclu avant son entree dans les ordres 404).
Se contentant de moins que Jurieu, Tencyclopediste hollandais Luiscius avait rapporte avec beaucoup de reserve qu’ „on disait parfois” que Bossuet avait ete marie et qu’il avait eu deux filles.
Prosper Marchand ne se montre pas si respectueux. Voici comment il biaise pour accabler l’eveque de Meaux:
„Je ne parle pas de son concubinage, ou, si Ton aime mierne, de son mariage clandestin avec une certaine mademoiselle „de Moleon'’, qui donna licu au Pere
401) Tableau du Socinianisme, 1690, Lettre VI, p. 300-301.
402) Sxxieme Awrtissement aux Protestants, Ile partie, no. CXV, CBuvres com-pletes, t. VII, p. 498-500.
403) Cf. Ch. Urbain, Bossuet et Mile de Mauleon; Th. Delmont, Le pretendu mariage de Bossuet; J. Gaignet, Le pretendu mariage de Bossuet; Ch. Urbain, Les heritiers de tavocat Pageau et la succession de Bossuet; Victor Carriere, Bossuet au XXe siecle, p. 18 sq.
404) Pour la premiere fois, dans 1’edition de Gcneve, 1756: Tableau des Ecriyains franęais, art. Bossuet.
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