malignite, d’obliquite, d’iniquite, et de mauvaise foi a la bouche420); EHe Saurin, le propagateur du biblisme sentimental, nous depeint Bossuet comme un homme vindicatif, qui a saisi cette occasion pour mortifier son antagonistę et son glorieux rival 427) ; Prosper Marchand, 1’implacable persecuteur de Bossuet, parle de ses procedes odieux et detestables envers Fenelon 428).
Aucun ne daigne considerer les motifs religieux qui ont pousse Bossuet dans son opposition tenace a une doctrine qui pouvait aboutir a denier a 1’Eglise son role necessaire d’intermediaire entre 1’homme et Dieu, et qui, en dernier ressort, faisait renoncer 1’homme au souci continuel de son salut pour passer quelques heures avec Dieu. II est bien evident que son inquietude religieuse etait un mobile beaucoup plus fort que son animosite personnelle contrę Fenelon. Mais Tarcheveque de Cambrai avait seduit ces esprits imaginatifs, ces ames troubles, eprises de sensations fortes et d’amour desinteresse. Moins fort que son adversaire sur le terrain de Tesprit, il avait incontestablement le dessus sur celui du coeur. La „victime de Romę” avait gagne les ames sensibles par ses gemissements dolents sur les coups rudes que Bossuet lui portait, par sa serenite passive dans la condamnation, et par 1’humiliation de l’aveu complet de ses fautes. Le fait que Fenelon etait tombe en martyr, avait fait triompher sa cause. II y avait dans cette attitude de quoi satisfaire les aspirations maladives des adeptes du pur amour, qui etaient assez nombreux en Hollande. M. de Cambrai y passe pour „1’homme de son siecle et de son rang qui eut le plus de merite reel et de vertu pure” 429). Ses oeuvres spirituelles y connurent un grand succes 430); celles de Bossuet y etaient trop ignorees.
Dans la glorification par Poiret de 1’amour „ou Dieu doit etre 1’objet, le motif et la fin de toutes nos affections, et de toutes nos intentions” nous entendons un echo de Tamour pur, depouille de tout ce qui n’est pas Tamour lui-meme.
Elie Saurin se fait connaitre encore plus directement comme un disciple de Fenelon. Et Jurieu essaie meme de mettre Bossuet du nombre de ses adherents. Avec sa verve satirique abondante, il puise a larges mains dans
426) Traite historiąue conłenanł le jugemenł d’un protestant sur la theologie mystiąue, sur le Quietisme, et sur les demeles de l’Evćque de Meaux avec l’arche-veque de Cambrai, Rotterdam 1699. (Cite d’apres H. G. Martin, o.c., p. 151).
427) Traite de VAmour de Dieu, Amsterdam, 1701. (Ib. p. 148).
428) O.c., p. 94. Cest lui qui a reedite la Nourelle Vie de Mr. de Fentelon, Ca Haye, 1748, publiee a Amsterdam en 1734, mais qui avait ete supprimee par des ordres superieurs.
429) Bibliotheque raisonnee des Ouvrages des Savans de l*Europę, t. XXIII (octobre, novembre, decembre 1739), seconde partie, p. 258.
43°) Pierre Poiret les a editees dej^ en 1718. En 1738 parut chez Jean Hofhout a Rotterdam la grandę edition des CEuvres Spirituelles de feu Monseigneur Franęois de Salignac de la Mothe Fenelon etc.
118