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ouvre sur les valeurs de partage, d'ouverture d'esprit et de communication. Or, la langue francophone perd rćgulierement de sa valeur face a d‘autre idiomes plus forts ćconomiquement. Donc, en tant qu'ecrivain, je dćsire m'afficher comme soutien de cette cause, au sein d'une esthćtique comique, par le biais de la litterature.
II est un phćnomene interessant en sociolinguistique, lorsqu'on aborde les langues de peuples dits domines et de peuples dits dominants. II se trouve que la langue du dominant, qu'il soit plus avancć ćconomiquement ou politiquement, parvient a envahir progressivement puis a faire disparaitre celle du domine, pour des raisons de pressions sociales. Mais, souvent, c'est le dominć qui se dćfait deliberement de sa langue pour adopter celle du dominant afin de subvenir k ses besoins matóriels, par exemple. Or, celui-ci ne se rend pas toujours compte de 1'impact d'un tel acte. Parce que ses enfants n'auront pas accćs a leur langue et leur culture d'origine, cela peut les conduire k des pertes de reperes identitaires et de graves problćmes psychologiques62. Ainsi, la population du dominć n‘en sera que plus rapidement affaiblie. Donc, pour contrer ce phenomene d'affaiblissement culturel, il est nćcessaire de próserver un maximum de langues firancophones sous formę ćcrite et orale contrę 1'anglicisation ambiante.
Bień qu'il faille a tout prix sauver le franęais en tant que langue qui va devenir
ou qui est dćja celle des dominćs dans certaines rćgions, je ne me porte pas non plus en
faveur d'un sumombre d'ecrits francophones. Dans ce sens, je pense a la baWlisation de
1’ecrit (prolifćration linguistique ćcrite banalisće par des livres de qualitć mćdiocre). II est un
phenomene inquićtant de nos jours, a savoir cette prolifóration de livres en tous genres et je
crois qu'elle ne nous est pas tout a fait hcureuse. Le nombre de gens qui lisent diminue et
cette surenchere mćdiatique ne paryient, ni a informer reellement le lecteur ni a lui apporter
de la qualitć au niveau de la diversitć de cc qu'il lit encore. On se retrouve donc un peu
comme au temps de Babel, avec des tas de gens qui parlent comme ils ćcrwent, et tres peu
finalement qui ont le souci de fabriquer en vćritables artisans de la langue, des produits plus
nobles, des oeuvres litteraires tout court, lesquelles, sans doute auraient pour ambition et
62 KAUFMANN, Jean-Claude, Uirwention de soi, une thćorie de 1'identitć, Paris, Armand Colin, coli. Individu et Socićtć, dir. Franęois de Singly, 2004.