sillon et de Bossuet. Le veritable orateur, lit-on dans les notes qui accom-pagnent la traduction hollandaise des Dialogues, doit rendre Tamę humaine sensible a tout ce qu’il dit. II ne doit pas seulement convaincre, mais per-suader. II faut evidemment que dans les sermons la raison trouve son compte. Mais il y a d’autres ressorts dans Hiomme, et Torateur doit peindre pour satisfaire 1’imagination, et surtout emouvoir le coeur. Cest ainsi que Bossuet et Massillon ont entendu Tart de mettre leurs auditeurs en extase. Rien de mieux reussi que la description magnifique de la victoire rem-portee par le prince de Conde sur les Espagnols a Rocroy; rien de plus emouvant ni de plus sublime que la peroraison celebre: „Venez, peuples,
venez maintenant; mais venez plutót princes et seigneurs...... venez voir
le peu qui nous reste d’une si augustę naissance, de tant de grandeur, de tant de gloire.”
Pourvu qu’on sache la penetrer de la simplicite evangelique, on n’a pas besoin de bannir Teloquence de la chaire. Les paroles doivent rester au service des choses, et y emprunter leur force et leur beaute. Massillon et surtout Bossuet se sont rendus immortels en puisant dans TEcriture Sainte leurs preuves vigoureuses, leurs comparaisons touchantes et leurs belles images.
Certes, Bourdaloue trouve aussi sa place parmi les grands exemples de Teloquence religieuse. Mais — le cure Schrant ne laisse pas subsister de doute — la preference va vers Massillon, et surtout vers Bossuet, qui a l’avantage sur son rival de gloire de ne pas trop negliger la doctrine au profit de la morale.
Rejoignant les predicateurs protestants de la fin du dix-huitieme siecle, le traducteur catholique des Dialogues approuve de grand coeur La Bruyere qui se moque des enumerateurs qui „embrouillent” leurs auditeurs par les soins infinis qu’ils mettent a „digerer” et a „eclaircir” leurs sermons 489). On ne veut plus des divisions et subdivisions innombrables, recherchees et peu naturelles, ni surtout des froids raisonnements. On desire un langage qui aille droit au coeur.
Personne ne Tillustre mieux que Des Amorie van der Hoeven, Televe le plus brillant de van der Palm et professeur d’eloquence a son tour. II montre des ressemblances frappantes avec Bossuet. II a la meme foi ingenue qui veut temoigner de la Verite sans trop vouloir penetrer les mysteres, la meme sincerite d'esprit qui le fait aller droit au but; comme Bossuet il secoue la conscience de ses auditeurs en les faisant s’incliner devant les ordres de Dieu qu’il leur enseigne d’un ton imperatif; a lexemple de Teveque de Meaux il n’essaye pas avant tout d’operer sur la volonte par la raison, mais il cherche la voie du coeur par Timagination; il n’y a pas
489) Cf. J. M. Schrant, Fenelons Gesprekken over de Welsprekendheid, p. 204-235, 266, 329-330, 348.
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