la loi. S’il fallait admettre les theories de Grotius, theories qui detruisent la force des preuves les plus indubitables de la divinite du Sauveur et detournent du Christ meme les textes les plus clairs, Ton n’aurait ajoute foi a tout ce qui se rapporte a Jesus Christ que par une pieuse complai-sance. Quelles idees lamentables! Mais fallait-il s’etonner de les rencontrer dans l’oeuvre de Grotius? L’eveque de Meaux croyait que non. Apres s’etre degoute du calvinisme, ce savant ne s’etait-il pas rangę du cote des arminiens, apparentes aux sociniens? Voila qui expliquait tout. Certes, il a combattu ces derniers. Mais cela ne Tempechait pas d’etre fort prevenu en faveur de Crellius, a qui il adressa des lettres tres elogieuses, ni d’ad-mirer ces ennemis de la divinite du Christ. II est difficile de dire s’il a souscrit a leurs dogmes a un moment donnę. S’il en fut ainsi, il est certain que plus tard il s'en est repenti, car dans sa dispute avec Rivet il a emis des opinions tres justes sur les points en litige.
Grotius a menie, en termes expres, declare soumettre au jugement de TEglise Romaine et de TUniversite de Paris tout ce qu’il avait ecrit sur la Trinite et sur Hncarnation (Animad. in Rivet. Art. 2). Mais il est vrai qu’il n’a pas lu impunement les ecrits de Crellius et des siens, temoin ses idees sur rimmortalite de Tamę30) et le fait qu’il a depouille la divinite du Christ de ses preuves les plus fortes, tout en ne la contestant pas. Aussi ne pouvait-il pas ne pas s’attaquer aux predictions des prophetes, puisque les sociniens voulaient les detruire tout en les admettant. Cest dans Crellius que Grotius a puise ses interpretations. 11 les a ornees seulement de son erudition classique, ou plutót il les en a surchargees.
Apres avoir marque de cette maniere tout ce qu’il trouvait de reprehen-sible dans le Hollandais, Bossuet conclut ainsi:
„Nous ne voulons pourtant pas porter prejudice a cet homme qui, lorsqu’il s’occupait diligemment des meilleures etudes et que, plein de żele, il examinait les monuments de l’antiquite, a rencontre chaque jour nombre de choses qui devaient 1’incliner au catholicisme. Tous ceux qui lisent dans 1’ordre chrono-logique ses oeuvres et avant tout ses lettres, pourront voir aisement quels progres il avait deja faits dans cette voie : il a commence par disperser les balivernes de nos adversaires sur 1’idolatrie et rantichristianisme de 1’Eglise Romaine; il a desapprouve avec beaucoup d’arguments que sous pretexte de reforme on se soit separe de 1’Eglise; il a raille ceux qui pretendent que personne ne peut etre sauve dans la communion romaine; il a critique d’une faęon admirable ceux qui rejettent la tradition des Peres et qui ont la preten-tion de comprendre 1’Ecriture de leur propre lumiere. On trouve ces idees a plusieurs endroits de ses oeuvres, mais surtout dans Appendix, Epist. 607, 610, 618, 622, 638, 647. II y repond aussi a ceux qui lui objectent ce qu’il avait dit autrefois, en faisant remarquer : „il ne me parait pas etonnant qu’a un age plus avance le jugement se fasse plus clair par suitę d’entretiens avec des hommes erudits, et d’une lecture diligente”. Ce n’etait donc pas sans raison que, nous guidant d’apres une telle supposition, nous avons dit qu’il aurait
30) Cette immortalite ne serait pas „de la premiere crćation, mais de la seconde, c’est a dire de la regeneration spirituelle”, de sorte que les ames ne seraient immor-telles que dans la nouvelle alliance.
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