formulees contrę eux, Grotius composa ąuatre ans plus tard sa Defensio fidei catholicae de satisfactione Chrisłi contra Socinum, ou il professe explicitement la divinite du Sauveur et le dogme de la Trinite. Cette foi n’avait pas change au moment ou il expedia sa fameuse lettre a Crellius, qui, dans le proces intente par Bossuet, fit fonction de principale piece a conviction. II ne faut pas perdre de vue les circonstances dans lesąuelles elle a ete ecrite. Grotius, qui mettait la paix au dessus de tous les triom-phes75), avait profondement souffert des troubles religieux provoques par les calvinistes impitoyables. La chasse aux heretiques l’avait rempli d’un degout presque physique. En son for interieur il avait toujours aime runitę et la paix. 11 se croyait appele de Dieu pour contribuer de toutes ses forces a operer cette unitę parmi les protestants. Cest ce qui explique le ton et le contenu de cette lettre diplomatique, dans laquelle il parlait en des termes extremement elogieux de Tattitude pacifique des sociniens et de leurs efforts continuels vers un ideał de saintete dans la vie. Ce faisant il n’avait pas 1’intention d'approuver le fond de leur doctrine76). Bień au contraire, il n'a pas cesse de croire en la divinite du Christ et en la Trinite. Mais il ne voulait plus soutenir a tout prix que ces articles de la Foi sont neces-saires au salut de tout le monde, ni les imposer de vive force aux autres. Un tel raisonnement contient evidemment de grands dangers pour la religion catholique, ou le dogme de la Trinite occupe une place si centrale. On risquerait ainsi de mettre tout le poids de la religion sur la pratique de la piete sans faire valoir la verite dogmatique. Au moment ou il ecrivit sa lettre a Crellius, Grotius fut sans doute fortement tente par ce defai-tisme. Ce n’est pourtant pas une raison suffisante pour Taccuser de soci-nianisme, d’autant moins que la tentation ne s,explique que trop bien par rinfluence liberatrice que les idees sociniennes ont exercee sur le protes-tantisme hollandais, oppresse par Tathmosphere etouffante qu’avaient creee les partisans du Synode de Dordrecht: grace a elles quelques fenetres furent enfoncees, par lesquelles Tair pouvait circuler plus librement. A Ten-contrę des excćs des calvinistes et des lutheriens, qui avaient enterre TAmour vivifiant sous Tedifice impressionnant de la Foi qui sanctifie a elle-seule, les sociniens ont maintenu les droits de la morale, en represen-tant aux chretiens qu'il ne suffit pas de connaitre la volonte du Pere celeste, mais qu'il faut aussi Texecuter. Le caractere exclusif de leur doctrine des oeuvres sans la Foi contrebalanęait rexclusivisme calviniste et lutherien de la Foi sans les oeuvres77). Pour Grotius, qui a apporte a TEurope
75) Lettre a Rosenhan du 21/31 decembre 1644, Bpistulae, p. 739.
76) Bossuet a fait lui-mćme cette distinction en d’autrcs occasions, cntrc autres pour les Brefs du papę, publićs par J. Th. de Roccaberti en tete de son livre De Romani Pontificis auctoritate (cf. son Memoire au Roi, CBurres co?npletesy t. XI, p. 350).
77) Dr. W. J. Kiihler, o.c., Introduction.
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