ou Ton put trouver ce jugement, il ne se sentait pas tres sur, et — methode assez curieuse — craignant d’etre assomme par un texte bien clair, il deniait d’avance a M. de Meaux toute autorite dans la matiere de la grace:
„Admettons que ce savant eveque ait yraiment ete d’avis qu’il y a des erreurs dans le livre de Jansenius; son autorite en de pareilles disputes n’a rien de definitif. Cet homme savant excellait surtout dans les matieres de la controverse avec les Reformes. Tout ce qu’il a ecrit sur ce sujet est magni-fique; mais quant aux disputes sur le livre de Jansenius, il s’en est peu occupe. II n’etait pas encore assez age et n’avait pas encore une grandę renommee, lorsque ces disputes furent decidees en France, sous Clement IX, et il est mort presqu’au moment ou elles se ranimerent sous Clement XI” 292).
Sans avoir une connaissance tres profonde de son oeuvre, ils admiraient en lui le grand defenseur de la foi derriere lequel il faisait bon se retran-cher. Mais, soit par instinct, soit toujours sous 1’effet de Tinfluence de Quesnel, ils sentaient qu’ils ne devaient compter sur lui ni pour leurs tendances jansenistes, ni, a plus forte raison, pour leurs tendances schis-matiques. Rien en cela n’avait tellement change depuis 1702. Seulement, tout en repetant plus frequemment les quelques arguments puises alors dans ses ouvrages, ils s’eloignaient toujours davantage de 1’ideal que M. de Meaux avait servi sa vie entiere. S’agissait-il de savoir qui, du papę ou de Bossuet, s’etait trompe dans Tappreciation du livre de Quesnel, ils se prononęaient sans hesitation contrę le premier 293). Minutieusement ils pesaient tout ce qui venait du siege apostolique, toujours trop enclins a le juger leger dans ses decisions. L’eveque de Meaux avait stipule une ligne de conduite radicalement distincte de la leur, lorsqu,il ecrivait aux reli-gieuses de Port-Royal:
„Si vous embrassez la foi du Siege apostolique, suivez sans crainte ses jugements; ne craignez pas de vous exposer a aucun peril de peche en sous-crivant humblement sur 1’autorite de sa sentence” 294).
LA POL£MIQUE DE UORGUEIL.
La distance spirituelle qui les separait de Bossuet, s’est agrandie a mesure qu’ils puisaient a pleines mains dans les nombreux yolumes dont
292) Antwoord op de soogenaemde Apologie der Rooms-Całholijke, 1724, p. 19. Suivant W. Kemp, Kort Historisch Verhael, 1725, t. I, p. 201, cette Reponse a ete faite par „un homme savant, qui, lui-meme, n’appartenait pas au Clerge janseniste”. Quoiqułil en soit, il soustrait 1’appui de Bossuet a ce Clerge. Rien ne 1’illustre mieux que le fait suivant: l’abbe Ingold, dans le livre ou il a defendu Bossuet contrę toute accusation de jansenisme, a bati un chapitre entier sur le raisonnement suivi par 1’auteur en question. (A. Ingold, Bossuet et le Jansenisme, 2e partie, chap. I). Van der Schuur s’etait montre quelques annees auparavant un polemistę plus habile et plus verse dans les textes de Bossuet, en relevant dans ses pensees sur la grace celle sur Timpossibilite de reconnaitre chez les infideles une vraie vertu, pensee qui pourrait le rapprocher des jansenistes. (Christiani Philiremi ad eximios magistros in facultatis theologicae in academia lovaniensi, 1715, p. 63-67).
293) De Constitutie of Pauselijke Bulle van Klemens den Elf den, 1719, p. 37.
294) juillet 1665, Corrcspondance, t. I, p. 105-106.
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