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beaute et les grandes manićres des Arabes du sud, n’avait que du mćpris pour cette canaille.
Ce passage regorge de termes pójoratifs concemant 1’Arabe. Frantz Fanon dit que «Le langage du colon, quand il parle du colonisć, est un langage zoologique»85:1’indigćne est ici identifie a 1’animal, plus exacte-ment aux insectes. Le mot «une vermine» contient en lui une idee de grouil-lement, de multitude et en plus une idee de parasitisme ce qui montre une forte dose d’arabophobie.M Au moment de reprendre son metier de char-retier, Rafael rencontrera des Arabes du Sud nobles et fiers :
des Arabes qui venaient pour vendre de 1’orge s’approchaient lentement des chariots, le bumous tralnant sur les talons. Dans le crćpuscule qui endormait les terres, ils glissaient en silence, comme des ombres.
On a 1’impression que dans le Sud africain 1’Arabe retroUve sa di-gnite; pour la premiere fois, dans ce roman, on emploie le mot «bumous» qui traditionnellement s’applique a 1’Arabe et qui lui donnę un caractere noble; de meme, 1’hospitalite habituelle des Arabes est misę en valeur justement dans le Sud : «des Arabes des tentes voisines leur apporterent du
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cafe dans de petites tasses.» II semble que pour Bertrand, 1’Arabe soit destine a vivre dans le Sud africain, compris ici comme le Sud de PA1-gćrie car il n’y dćrange pas les colons, il ne dispose pas d'une terre fertile qui pourrait attirer des envahisseurs, au contraire, il s'inscrit dans ce paysage et son bumous est plus qu’un elćment du decor. En se servant du contraste des deux images : celle du port et celle du Sud algćrien, on met en evidence qu’il n’y a paS de place pour 1’Arabe dans la zonę du bassin de la Mćditerranće; cet endroit est reserve, selon la doctrine bertrandien-ne, au peuple latin. Le personnage de Rafael et sa passion pour le Sud exprimee par le lexique itćratif: «l’air», «le soleil», «la libert6> (p. 237) ou par le contraste entre la vie i Alger et celle dans le Sud : «je respire dans le
84 Ibid., pp. 220-221.
85 F. Fanon, Wyklęty lud ziemi, PIW, 1985, p. 24.
86 Cette prćdilection de Bertrand pour la cruautć et la vćhćmence est due au “naturalisme colonial” dont Alain Calmes parle dans son Roman colonial en Algerie avant 1914, op. cit., p. 124. Calmes cite aussi Daniel Momet qui «remarque [...] une ćventuelle filia-tion entre le roman zolien et bertrandien» (D. Momet, Histoire de la litterature et de la pensee franęaise contemporaine 1870-1934, Paris, Larousse, s.d., p. 129.)
87 L. Bertrand, Le Sang des Races, op. cit., p. 229.
88 Ibid., p. 240.