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oncle? - Eh non!... Les parents, c’est les parents. 11 eut envie de la mettre a la porte. II comprenait maintenant qu’on put battre un Arabe.205
L’Autre, ici Ram, se montre difficile, peu claire, opaque meme mal-gre 1’intimitć qui unit ces deux etres. Ce dialogue de «sourds» montre Pimpossibilite de communiquer entre deux peuples inscrits d’avance dans un reseau de relations bien determinćes : «colonisateur-colonise», «maitre-esclave»; Auligny partira seul pour Fez, demandant cette mutation a ses superieurs pour ne pas tuer des Arabes dans une općration en preparation (la raison officielle de son depart est sa mauvaise sante); paradoxalement il sera tue par les Arabes pendant une emeute dans cette ville marocaine. Auligny veut acqućrir a tout prix la sympathie et la confiance des indi-genes, il est «[...] un cas presque clinique de sentimentalite poussće a l’ex-ces, et de la toute son attitude a 1’egard des Nord-Africains.»206 Lucien devient sensible a la moindre injustice a 1’egard de 1’indigene, mais en meme temps il ne peut pas supporter quand celui-ci parle mai des Franęais a sa porte. Essayant d’expliquer un tel paradoxe et ce malaise personnel, il en arrive a cette constatation : «Je ne peux pas, en meme temps, penser ce que je pense, et etre officier.»207 Neanmoins, il s’aperęoit qu’il commet les memes fautes que
ces gens-la, avec leur catholicisme, qui sont toujours stupefaits et furieux quand ils s’aperęoivent qu’“un infćrieur” est une personne humaine. [...] Ram n'obeissant pas, Auligny ne peut s’empecher de bondir. II ne le dit pas, mais il pense : “ęa se permet d’avoir une volonte.”208
L’image de 1’Autre dans La Rosę de Sabie est vehiculee par le hćros Principal, Auligny; elle repond souvent a la disposition intćrieure du protagoniste empreinte de son amour pour 1'indigćne. Le jeune militaire est travaille aussi par des idees fixes, des prćjuges qui alimentent a l’ćpo-que 1’imaginaire collectif des Europeens, ici des Franęais, et qui trouvent aussi leurs sources dans la litterature. Ces poncifs qui parfois facilitent la vie en Afrique car ils expliquent immediatement et globalement toutes les «bizarreries» de 1’Autre, reviennent chaque fois que le heros se heurte & 1’impossibilite de comprendre autrui. Le dialogue difficile avec les indi-genes, qui n’est que la caricature d’un vrai dialogue, est renforce par le 205 Ibid., pp. 472-473.
m H. Perruchot, Monlhcrlanl, NRF Gallimard, 1959, p. 60.
207 H. de Montherlant, Lu Ro.se Je Sabie, op. cit., p. 378.
208 Ibid., p. 470.