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Toules les fois que Fon s*e$t occupe de la question de la richesse agricole a relirer du defrichement des terres incultes ct fertilisables dc la France, on l'a toujours resolue, comme Favaicnt fait Henri IV et Sully, en donnant la prćference au defrichement des marais. Je partage tellement cette conviction que je lui ai sacrifie vingt-cinq annees de ma vie dans la fondalion de la colonie agricole penilentiaire du Val*d Yevre, prfcs Bourges, comme essai d’application des jeunes delin-quants au defrichement des marais, k titre d etablissement prive. L'essai a si bien rćussi au triple point de vue agricole, morał et sanitaire que Fśtablissement prive a ete recemment transformś en etablissement public.
Ainsi Fidee de Henri IV et de Sully sur le defrichement des marais est acceptće mćme par la reforme peni-tentiaire.
J’arrive maintenant a 1'autre idee, a Fidee humanitaire et civilisatrice, a celle que Sully appelait le grand dessein du roy, qu’on appelle aujourd'hui, dans le langage de la science et de la diplomatie, Farbitrage inlernational pour le reglemcnt des diflerents qui peuvent surgir enlre les peuples.
Henri IV conęut cette idee d’arbitrage qu'il soumit, sous la formę d’un projet de traite k Elisabelh d'Angleterre et au roi Jacques i" son successeur. Le texte e.\act de ce projet de traitó n‘a pas encore ete relrouvś, et nous n’en connais-sons que le texte amende par Fabbć de Saint-Pierre, lors-qu’apres le Congres d’Utrecht. oii il avait accompagne le Cardinal dc Polignac, il publia le livre cilebre auquel il donna le titre trop presomptueux de projet de j>aix perpetttelle et si justement critiquć; car il y a bien des vicissitudes dans la vie de Fhumanite et dans celle de Fhomme qui, n’etant ici-bas qu’un ćtre perfectible et rnortel, ne peut aspirer a donner a ses opuvres le caractere de la perfection et la per-petuite de la durće. L’absolu d‘ailleurs n’esl pas de ce monde, et il ne faul pas aspirer k Fy rśaliser.
L’article 3 de ce projet de traitć declarait que les grands allies pour terminer entr’eux leurs differents presents et k venir ont renonce et renoncent pour jamais, pour eux et leurs successeurs, a la voie des armes et sont convenus de prendre la voie de conciliation, par la mediation du reste des grands allies.
Apres avoir ete longtemps livree au ridicule, Fidee de la mediation et de Farbitrage a fait un beau jour sa serieuse apparition : dabord ce fut, dans 1’ordre des faits historiques, en 1783, ou le premier esemple d’un arbitrage intervenu entre FAngleterre et les Etats-Unis vint prevenir les hostilites, qu*une delimitation de frontiere aurait entrainćes entre ces deux pays. Ce fut ensuite, dans Fordre des principes de la science et de la diplomatie, par le celebre congrćs de Paris d’avril 1856.
Suivons d’abord dans Fordre historique les faits qui attes-tent la marche progressive de Fidee de la mediation et de Farbitrage depuis 1783 jusqu’i nos jours.
Un homme de merite et de cceur, M. Bellaire, a eu la bonne pensóe de se livrer a une recherche chronologique des arbitrages de 1783 k 1872, et sans youloir afGrmer qu’aucun n'ait echappe a ses investigalions, il constate que le nombre s’eleve a ringt-deux, pendant cette epoque de quatre-vingt-neuf annees.
La premierę chose qui frappe singulifcrement lesprit dans cette enuinćration chronologique, c'est que tous ces arbitrages ont ćte heureux, c’est-i-dire que la decision arbitrale a tou-jours ete acceptee , et Fhistoire en consacre ainsi 1 autorite morale et pratique.
Si Fon divise ces quatre-vingt-neuf annees en deux periodes, Fune de quarante-cinq et Fautre de quarante-quatre, la premierę, de 1783 a 1828, noffre quc six exemples d’arbitrage, tandis que la seconde, quoique moindre d une annće, en presente scisc. Si Fon subdivise ensuite cette scconde periode de quarante-quatre annees en deux moitićs egales, on trouve que sur lesseizc exemples d’arbitrage, troi$ seulementappartiennent k la premićre moilieet/reisc k la seconde, de 1850 a 1872.
On peut apprecier ainsi la marche progressive de I arbitrage internationnal dans ces vingl-deux dernieres annees.
Je ne youdrais pas fatiguer votre attention par 1 enume-ration de ces treize arbitrages; mais pour vous en faire sentir toute Fimportance, il me suffira de citer :