3106269640

Apres la guerre, Lorenz decida de pour-suivre ses etudes meteorologiques au MIT et, du fait de son inclination pour la meteorologie dyna-mique et la prevision, la these de doctorat qu'il avait entrepris d'ecrire avanęait une methode d‘application des śquations dynamiques a la pre-vision du deplacement des tempetes. Non seule-ment il decrocha sans mai son titre de docteur mais il trouva de surcroit le temps de prendre femme en la personne de Jane Loban au cours des semaines qui suivirent. II avait fait la connais-sance de Victor Starr et les deux hommes resterent lies pendant quelque 25 annees.

Une des trouvailles les plus marquantes d'Ed Lorenz fut de demeler 1'enchainement par lequel une fraction de Tenergie solaire atteignant la Terre se transforme en energie cinetique des mouvements atmospheriques, remplaęant en cela I'energie dissipee par frottement. Ses princi-pales conclusions parurent dans un article intitulś 'Available potential energy and the maintenance of the generał circulation" (Energie potentielle dis-ponible et entretien de la circulation generale), qui fut publie dans Tellus en 1955 et fit datę dans les annales de la meteorologie.

Apres cela Ed Lorenz decouvrit le concept de “chaos", a la suitę dune obser\/ation decisive, celle de Textreme irregularite des conditions me-teorologiques hors de la zonę des tropiques. Au debut du xx^e siecle, les meteorologistes utilisaient rarement les lois des mouvements pour decrire Tevolution du temps et les methodes analogiques utilisees par les previsionnistes ne reposaient pas sur des principes dynamiques de base. Lorenz, quant a lui, etablit clairement que 1'impre-visibilite etait en grandę partie inherente a 1'atmosphere. II emprunta donc un autre chemin et, au lieu de s'employer a ameliorer l'exactitude des previsions, il choisit de rechercher ce qui, dans 1'atmosphere, empechait cette exactitude. Apres avoir decortique les equations de prevision afin de trouver le coupable derriere la variabilite et l'imprevisibilite, il conclut que la cause principale de non-periodicite residait dans l'advection par le vent de grandeurs du type quantite de mouve-ment et energie. En effectuant ses calculs, Lorenz se heurta aux consequences que pouvait avoir le fait d'arrondir les chiffres avant de les reintroduire dans 1'ordinateur. II mit clairement en evidence la sensibilite des phenomenes chao-tiques aux conditions initiales. Lorenz a publie ses conclusions dans un ou\jrage intitulś The Essence of Chaos" (L'essence du chaos) (Univer-sity of Washington Press, 1993).

La monographie intitulee 'The naturę and theory of the generał circulation of the atmos-phere" (Naturę et theorie de la circulation generale de 1'atmosphere) que Lorenz publia en 1967, a ete reconnue comme un classique. En 1969,

I'American Meteorological Society lui decerna sa plus haute distinction, avec la Mśdaille Carl-Gustaf Rossby de la recherche, pour ses travaux de recherche fondamentale en meteorologie. Les meteorologistes rendaient ainsi hommage a l’ceuvre de Lorenz sur le "chaos”, comme on l'a appelee.

Ed Lorenz qui, par ses idees sur 1'atmosphere, a toujours ete en avance sur son epoque, n'a pas interrompu ses travaux. II declare :

Les Sciences parfois qualifiees de moins exactes, comme les Sciences de la Terre et les Sciences biologiques, meritent tout autant des Sciences que les Sciences dites exactes, comme certaines branches de la physique et de la chimie. Elles exi-gent seulement un peu plus d'attention de la part de celui qui les pratique et ce, parce qu‘elles sont davantage susceptibles de mettre en jeu des phenomenes chaotiques. Si la precision a laęuelle les physiciens parviennent parfois m‘en a toujours im-pose, je n'en a i pas pour autant regrette une seule fois ma decision de me consacrer a une science moins exacte.

En conclusion de son article, M. Gedzelman affirme que "quel que soit Tendroit ou se portent les regards, et sans se limiter a 1‘atmosphere ou aux oceans, les conclusions des travaux de Lorenz se verifient. C'est pour ces qualites que ses travaux meritent un Prix Nobel de physique".

Cet entretien s'est deroule en octobre 1995 au Massachusetts Institute of Technology et M. Taba qui n'avait pas rew le professeur Lorenz depuis longtemps a dit de lui qu‘il n'avait guere change, ni physiquement ni intellectuellement.

H. T. — Vous etes ne en 1917, a West Hartford dans le Connecticut, Etats-Unis d'Ame-rique. Pourriez-vous, tout d'abord, nous decrire Tendroit tel qu'il etait alors et nous dire ce qu'il est devenu ?

E.N.L. — West Hartford est une banlieue d'Hart-ford, la capitale du Connecticut, et lorsque je suis ne, la ville comptait environ 8000 habitants. J'y ai vecu jusqu'a mon entree a l’Universite, epoque ou la population etait passee a quelque 25 000 ames. J’y suis alle au printemps dernier pour visi-ter un nouveau musee consacre a la science. II se trouvait dans une grandę rue qui n'existait pas

128