7 Elias Habesci — V Empire ottoman 123
De ces voyages on ne sait que ce qu’il a bien voulu nous raconter: etant a Londres, ii aurait adressó au premier ministre, lord North, un memoire sur la necessite de faire cesser la guerre contrę les colonies americaines. En meme temps, ii aurait offert ses conseils pour perfectionner 1’artiIIerie britannique par une invention personnelle. Ses suggestions avaient ćtć fraichement reęues17. Or, lord North demissionne en 1782. D’autre part, faisant allusion k l’execution de Gregoire Ghika en 1777, «Habesci» ćcrit: «It is hardly four years sińce the head of a Prince of MoIdavia was exposed upon the gate of the Seraglio»18, ce qui nous ramene a 1781 comme datę de sa visite en Angleterre.
Une notę de 1’ćditeur indique le nom que le voyageur avait pris pour cette occasion, tout en expliquant que ce n’etait qu’un autre pseudonyme: «For private reasons, Habesci assumed on his travels the name of Alexander Ghika, and by that appellation was known to the few friends he had in London, but before his departure,he gave the translator his real name in writing,which is in the hands of the publisher» ,9. Bizarrement, on retrouve la signature «Elias Habesci» en 1793, donc un an apres la parution k Paris de VŚtat present de 1’Empire ottoman, mais l’ouvrage dont il s’agit cette fois, Object interesting the English People, est publie a Calcutta. II n’y a rien dans ces deux voIumes qui se rapporte de pres ou de loin aux Turcs. La dedicace, adressee a John Griffith, marchand a Surate et ancien resident a Bassorah, laisse entendre que 1’auteur serait etabli a Manilla pour ses affaires.
On serait bien embarrassć de decider si ces deux identites appartiennent a la meme personne et, surtout, de retracer les peripeties de l’aventurier qui se faisait connaitre sous ces deux noms, s’il n’y avait, pour eclairer un episode, óu meme plusieurs, de cette etonnante biographie, le «joumal» d’Alexandre-Andronic Ghika20. Avant la publication de ce manuscrit, conserve a Paris aux archives du Ministere des Affaires Śtrangeres, qui est le dossier d’une singuliere negociation diplomatique en 1783-1784, le personnage n’ćtait connu que par une lettre envoyee a M. de Vergennes, de Fontainebleau, le 4 novembre 1783, et par de brefs extraits de la correspondance entre Vergennes et Fambassadeur de France a Constantinople qui se rapportaient au «pretendu Gika»21. D’une longueconsultation politique que celui-ci avait destinee k Vergennes, au sujet de ce que 1’Empire ottoman edt dii faire pour resister k 1’alliance austro-russe, on n’a publie qu’un tres sommaire abrege22. C’etait encore trop peu pour ressusciter Alexandre Ghika. En revanche, les papiers de Pierre-Michel Hennin, le premier commis des Affaires Ćtrangeres - donc un proche collaborateur de Vergennes - contiennent une douzaine de lettres inedites concemant justement les agissements de Ghika en 1783-1784 2\ II serait aisć de reduire 1’affaire, que toutes ces sources eclairent d’un jour peu favorable, a une vulgaire
17 Ibid., p.256, notę.
18Ibid., p.365.
Ibid., p.V, notę. La traduction en franęais donnę au meme nom une formę lćgerement differente: «Alexandre Ghisa».
20N.Corivan, Le «Joumal» d’Alex. Andronic Ghica, pretendu flis de Gregoire Ghica, prince de Moldavie, «Melanges de l’Ścole roumaine en France», 1929, 1, pp. 3-116.
^Hurmuzaki, suppL I, voLII, Bucarest, 1885, pp. 30, 33-34.
22 Ibid., p. 29.
23 Bibliotheąue de 1’Institut de France, ms.1268, ff. 489-514.