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cette guerre »30. Le ministre lui-meme, auąuel on demandait depuis deux mois un passeport pour 1’agent que le duc voulait envoyer <k Constantinople, Pavait accorde de mauvaise grace, «quoiqu’on soit peisuade que votre projet ne pourra pas reussir». II accompagnait sa reponse des avertissements les plus desagreables: «Je ne puis, M. le Duc, trop vous engager a eviter de faiie de grands frais,car certainement il ne vous sera rien rendu». Et encore: «I1 n’est pas besoin, M.le Duc, de vous recommander un secret absolu sur cette affaire»31.
Le programme que le duc allait charger son emissaire de realiser prit finalement la fonne d’un projet d’etablir, en Crete ou a Rhodes, une «Ićgion» organisee par des officiers europeens, tnais dont les soldats devaient etre grecs, albanais et «Magnottes», une troupe modele qui eut pris une part importante a la modemisation de Farmee ottomane32. C’etait le but que s’etait aussi fixe le baron de Tott (autre franc-maęon), mais il se li mi tai t, Iui, a instruire des troupes turqucs. II n’y avait aucune chance a ce que la Porte consentit a armer ses sujets chretiens. D’autre part, en septcmbre 1783, donc juste avant que Montmorency-Luxembourg ait commence son assaut de memoires, Vergennes venait de comprendre que, sans 1 appui des Anglais, les ennemis de la veille, il ne pouvait s’opposer aux ambitions de P Autriche ct de h Russie, alliees depuis 1780, et qu’il valait mieux conseiller la Porte de faire la paix le plus tot possible33. Non seulement a Versailles on n’etait plus dispose a encourager Pcquipee du duc, mais Pambassadeur de France a Constantinople, M. de Saint-Priest, etait completement acquis a la Russie, parce que Pimperatrice, qui Pavait decore, legratifiait d’unepension 34. Or, maintenant, celui-ci reęevait de son ministre des instructions aliant justement dans le sens qu’il aurait desirć3S. Sous ces auspices, qui n’etaientpas des meilleurs, Iamission de Ghika pouvait commencer. Mais pas avant de prendre conge de Vergennes, avec sa coutumiere forfanterie, en Passurant de «ma reconnaissance et mon inviolable attachement pour votre personne et pour les intćrets de la France». II concluait: «Des esperances flatteuses m’ont fait prendre la resolution de partir pour Constantinople, ou j’espere jouer encore un grand róle» i6.
10 II y a aussi dans cette reponse beaucoup d’aigreur: «Permettez-moi de vous observer que si le loginie des cabinets de Versailles se roidissent contrę les projets nouveaux et ceux qui les presentent avec chaleur, les miuistres peuvent se relachei en foveur des personnes qui, animćes par des vues droites, ne cacbent point un jeu double et ne sont point entralnćes par un grand interet personnel et nuisible par se- consequences k l’Etao> (Paris.le 4 novembre 1783, ibid., ff.490-491).
Jl Ibid , f.494, le 15 septembre 1783.
?2 N Corivan, art.cit., p.8 n.2, qui cite atnplement le memoire du 29 noveinbre 1783.
3’ A part 1'ancienne etude d’Śmile Laloy, Les plans de Calherine I pour la conąuete de Constantinople, in Melanges offerts a M.Źmile Picot, I, Paris,1913,pp.135-150, il faut consulter C.I.Andreescu, La France et la politiąue orientale de Catherine II, d’apres les rapports des ambassadeurs franęais a St.Petersbourg (1775-1792), «M61anges de 1’fecole Roumaine en Francew, 1929,1, pp 119-297 (surtout, les pages 142-186).
34 St.Priest a Vergennes, !e 17 juillet 1783,cite par N.Corivan, art.cit., p.22, n.2.
35 Vergennes k St.Priest, le 17 decembre 1783:«Je n’ai pas besoin de vous dire, M., les raisons qui doivent vous empecher de faire votre affaire du succes de la tentative de M.le D. de L.» (ibid p. 10,n.2).
36 Hunnuzaki, suppl.1, vol.II, p.30.