peut-etre essentiellement chrćtiennes — sur lesąuelles Hannah Arendt insiste, tout en accordant a cette origine christiąue une valeur immediatement politiąue et seculaire — ou de ses origines juives. Hermann Cohen, qui fut le premier professeur juif dans une universite encore dominee par 1’antisemitisme, voyait dans le “principe du pardon juif’, premier enseignement de la Tora, une “regle pure et unanimement reconnue: par 1’homme lui-meme, et par lui uniąue-ment, devant rEternel”. Cohen fuit suivi sur ce point par son disciple Leo Baeck, qui naquit et etudia non loin d’ici, a Wrocław (Breslau). Au-dela de ces necessaires et interminables analyses du pardon, de son histoire, de sa logique, de ses apories, de ses symptómes et de son inconscient, un philosophe universitaire, me semble-t-il, ne reinscrira pas necessairement l’evaluation de toutes les scenes du pardon demande (par un Etat, une Eglise ou une Corporation) dans la perspective religieuse de la confession, de la honte, de l’auto-flagellation, de l’expiation, de la mortification, du repentir, de la reconciliation, de la redemption, du salut — de toutes les redemptions qui restent des economies spirituelles ou psychologiques de la memoire, voire des therapies ou des ecologjes du passe. Mais loin d’y voir du “masochisme” (comme a ose le dire recemment un ministre franęais), il interpretera au moins la necessite de ces pardons au-jourd’hui demandes comme l’un de ces signes dans lesquels Kant, lui encore, croyait pouvoir dechiflfrer les indices d’un progres possible dans 1’histoire de Thumanite. Quand un Etat accepte de reconnaitre ses crimes d’Etat ou d’Etat-nation (chose encore inedite, me semble-t-il, dans 1’histoire de 1’humanite et les archives de l’Etat-nation) une mutation a peut-etre eu lieu dans 1’histoire, et pour le mieux. Au-dela de toute honte ou de tout espoir religieux de redemption spirituelle, ces pardons publiquement demandes signifieraient au moins la pro-messe lucide et assermentee de ne plus repeter le mai, de ne plus tolerer 1’horreur ainsi avouee. Ils signifieraient au moins 1’enracinement du souci de verite dans la responsabilite d’une promesse. Ils engageraient surtout dans une reflexion indispensable sur la philosophie que peut impliquer un concept juridique de creation recente comme celui de “crime contrę 1’humanite” (article 6 c des Status du Tribunal International de Nuremberg) ou d’une legislation qui, comme l’a fait la loi franęaise du 26 decembre 1964, declare de tels crimes “impre-scriptibles” (ce qui, je le repete, ne veut pas dire necessairement
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