mais on !ui refuse absolumcnt la bcautć romainc. l/est rćellement un aulcur frunęais ; c’est-a-dire qu’il appartient k la Nation et k son sićcle, au lieu que les vrais poćtes sont dc tous les pays et de tous les lenips. Souvent esc1ave du gout dominant, il a prćferć I'avan-tage d etre connu de sos contcmporains i la gloire d’ćtre admire dc nos derniers neveux. Ce n’est pas que je prćlende que scs ecrits ne parviennent a la postćrite ; niais je doute qu’ele le place au mćinc rang que les beaux genies du dernier sićcle. II sera lu conime un ecrivain de beaucoup d’esprit k qui il nianquait les parties les plus essentiolles. L’invention et le jugement font les grands poćtes.
Quand il nc sc croyait pas asacz cnccnsć par lrs pcłits flał-trurs qui gravitnicnt autour de lui, Voltaire prenait le patii dc sc louer Jai-mftmc. En 1749, parut, avec la marquc dc Lon-drcs et sous Ic nom de M. I)..., un ouvrage oii il Itait prćscntć aux jeunes gcns cnmnte le plus grand des ćcrivains franęais. On rcconnut quc Je poćle Jui-iniinc en ćlait 1’auteur et Fróron s’en ćgaya :
M. de Voltaire est, a jusie titre, le poć te favori d’un grand nombre de lecteurs. La Renoinmće prete ses cent voix a des zćlateurs ardents, qui semblcnt n’avoir d’autre emploi dans la vie civrle que celni d’exaller le mćritc de ce grand homme.
Une rćputation aussi dćcidće a-t-elle besoin de ces secours ćtrangers ? Je ne sais cc qu’il aura pense d’un monument qu’on vient dc dresscr k sa gloire. d’un livre ou il est hautetnent prćfćró a tous les genies que la France a produits (1).
Je regarde cet ouvrage commc une espece de statuę
(1) Connaissanre tle$ benutea el des dłfauts tle la Połaie el de t’Bto* guence dana ta tangu* franęaUe, 6 1‘uauge des jeunes gens et surtout d*» etrangera, auec des ezemptes par ordre alphabłttgne, pnr M. U..., & Loadrc#,
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łquestre. J’y vois M. dc Yoltaire seul monlć sur le cbe-val P^gasc : derrięre liii Apollon met une couronnc sur sa tćte ; les Corneille, les Racine* les Boileau, les Mo-lidre, les La Fontainc, les Rousseau, les Crebillon, les Fontenelle sont cnchainćs a ses pieds, comme des ri-vaux qu’il a domptćs par la force dc son genie.
Je ne suis point de ceux qui pensent que tout ceci n’est qu’une inalice concertće ; que 1’auteur de cette brochurc n^fTccte rorthographe particulifcre a M. de Voltaire, et n’imite quelquefois son style. que pour le charger de l’ouvrage nieme : imputation trćs indćcente et peu yraisemblahle. Quelqu*un pourra-t-il s'imaginer qu'un ćcrivain connu veuille sc louer lui-meme d’une faęon «i arrogante et sl grossićre ? ^
On sait assez quclle est la retenue et la modestie dc ce grand poete et sa franehise incapable dc pareils dćtours. II connatt les vrais chemins qui conduiscnt a la reputation ; et je suis persuade qu’il dćsavouera hautement le prćcepteur dc la jeunesse etrang^re dont inutilement on lui donnę iei le masquc. U sera lui-nieme indignć de se voir mis au-dessus de tout ce que le siacie ad mirę, de tout ce qui doit eclairer la poste-ritć, de tous les maltrcs en difTćrents genres, poćtes, orateurs, historiens, fabulistes, dramatiques, sntiri-ques, etc...
11 est vrai quc M. de Yoltaire est tout cela ; qu’inć-pnlsable Protee il prend toutes sortes de formes ; que toutes lui vont bien ; qu’il embouche ćgaleinent la flute et la trompette ; qu’il est a son aise dans lc cothurne et dans le brodequin. Mais ne faut-il plus lirę que lui seul, ou ne lirę les autres que relative-ment k sa gloire ? (Lettres sur quelqucs ćcrits, 2f>9-270.)
En 1752, Yoltaire est k Berlin aupr*s de Frćdćric, d’o(i il ęonlinuc 5 intrigucr contrę Frćron. Celui-ci Fapprcnd par uoc