Aciualiić dc TArchcologie. 191
Signalons a ce sujet une interessante initiative qui permettra de depasser les clivages des periodes et des disciplines pour tout ce qui touche au monde rural: la creation en 1993 d'une Association d'Histoire des Societes Rurales (de la Prehistoire a nos jours), qui publiera une revue (premier numero en 1994), orga-nisera des colloques. Ecrire au tresorier: Gerard Beaur, 51, rue Guy-Mocquet, 94700 Maisons-Alfort.
67. Occupation du sol et acquisition des donnćes. -
Je n’ai pas particulierement aujourd’hui d’ennemi a pourfendre en la matiere, mais souhaite seulement prendre ici Foccasion d’insister sur Fun des aspects a mon point de vue les plus fondamentaux de notre discipline, a savoir le poids decisif des methodes d’acquisition de donnees dans la selection de ces der-nieres, tant au plan qualitatif que quantitatif (cf. ci-dessus “ Droit de reponse ”, notę 63).
II est en effet bien connu, notamment, que, selon les methodes et techniques de prospection mises en oeuvre (enquete bibliographique, enquete orale, toponymie, prospection aerienne, prospection a vue, systematique ou non, par echantillonnage ou non, sondages systematiques, etc.), les resultats de ces enquetes (surveys) seront fondamentalement diffe-rents, tant en ce qui concerne le nombre de “sites” decouverts que pour ce qui est de la naturę de ceux-ci; bien plus, la notion meme de site n'est plus la meme de Punę a Pautre de ces methodes dapproche (cf. chroniques; I, notę 5 ; II, notę 12 ; III, notę 21; IV, notę 32 ; V, notę 48 et 49, et ci-dessus, notę 64...).
Mais je voudrais aujourd’hui developper un constat particulierement suggestif en la matiere: celui de Pevolution des idees de Roger Agache - et de ses utilisateurs — sur Foccupation du sol de la Picardie, au fur et a mesure de ravancement de ses recherches par prospection aerienne sur cette region, maintenant depuis une trentaine d’annees.
Durant ce laps de temps, et en fonction des nou-velles decouvertes (plus nombreuses, parfois diffe-rentes...), R. Agache a plusieurs fois modifić son point de vue - ce qui est d’ailleurs tout a son hon-neur! - et presente ainsi, successivement, plusieurs “modeles” de Foccupation du sol gallo-romaine de cette region, plus ou moins formalises ou explicites dans ses ecrits.
- Premier modele: dans les annees 60, au debut de ces prospections, surtout hivernales, sur les riches plateaux loessiques de Picardie (Santerre, etc.), R. Agache fut evidemment frappe par le nombre et le developpement, voire le caractere stereotype des villae qu’il decouvrait (AGACHE 1962; 1964: 63-64 notamment; voir aussi: 1973 ; 1979b; 1981; 1983); il pensait pouvoir mettre ainsi en evidence, par ces tou-tes nouvelles decouvertes, une tres dense occupation des plateaux loessiques du Santerre, jusque la insoupęonnee; Funiformite des plans etait frap-pante : Pon pouvait pensera un certain synchronisme de leur misę en place (AGACHE et ai. 1965: 576; agache 1970:204-205), et - pourquoi pas ? - a une misę en valeur systematique et planifiee par le pou-voir romain de ces riches terres jusqu'alors peu exploitees... Tracę patente de la romanisation des campagnes les plus fertiles (agache 1978:383-387).
Pourtant, on notait alors que la repartition de ces nouvelles decouvertes (plus de 300 en 1965) ne coin-cidait pas avec celle des signalements plus anciens (agache et ai. 1965:542); mais, tout en se gardant deja des biais induits par les contraintes memes de la prospection aerienne, R. Agache (etai. 1965:552) insis-tait sur Pattrait particulier des Gallo-Romains pour ces plateaux loessiques.
— Deuxieme modele: dans le courant des annees 70, une curiosite de bon aloi de la part de R. Agache Pamena a prospecter les basses vallees de Picardie et a mettre en evidence un autre type de sites (s’op-posant aux \illae dont les fondations de craies se des-sinaient nettement sur les loess du plateau): sites constitues surtout de systemes fossoyes et qu'il denomma “fermes indigenes” (agache 1976; 1978: 130-167).
La premiere idee fut alors qu’il s’agissait dłexploi-tations agricoles pre-romaines, construites en mate-riaux legers, installees sur les terres humides des val-lees, et abandonnees a Pepoque romaine au profit des villae des riches plateaux. II proposa d’identifier ces structures aux aedificia de Cesar.
Difference a la fois donc chronologique et cultu-relle : “doit-on conclure qu’a Pepoque de Plndepen-dance les fermes se trouvaient aux abords des rivieres alors qu’a Pepoque romaine elles se sont edifiees systematiquement sur les plateaux ? ” (AGACHE 1978 : 367). Ce passage de la ferme indigene a la villa se serait produit dans le courant du I" siecle ap. J.-C. (AGACHE 1978: 372).
— Troisieme modele: Toutefois, des leur decou-verte, R. Agache signalait que ces w fermes indige-nes" semblaient - au moins pour certaines — avoir ete occupees jusqu’au Haut-Empire inclus (agache 1976: 120; 1978: 144-145; 1979a: 48).
Depuis, des fouilles (encore rares) ont ete entre-prises sur certaines de ces “ fermes indigenes " et ont confirme cette occupation perdurant — voire appa-raissant - aux premiers siecles de PEmpire (ADAM