DOCTRINE 499
sable alors que la faussete des declarations n’avait pu etre etablie qu’a la suitę d’une expertise legale43 ou d’un contróle efłectue chez le destinataire44. Un arret en datę du 2 fevrier 195 945 avait meme estime que le commission-naire devait etre « considere comme 1’auteur d’une fausse declaration ten-dant a eluder une prohibition de sortie, et ne saurait etre excuse sous pre-texte qu’il ne peut etre fait obligation a celui-ci de deceler les intentions secretes de ses clients ». En 1’espece, le commettant lui avait donnę pour mission de declarer un mobilier sous le benefice de la derogation a la prohibition d’exportation consentie aux nationaux voulant s’etablir a 1’etranger, puis etait rentre en France apres un court sejour. On pouvait donc difFicile-ment lui reprocher une quelconque faute, meme de negligence ou d’impru-dence. Ce faisant, la Cour de cassation faisait appel a une veritable responsabilite objective, tres proche du risque pur.
II n’est pas certain que la faculte d’invoquer la bonne foi, qui a ete intro-duite le 8 juillet 1987, soit a elle seule de naturę a permettre un examen plus subjectif des comportements. La redaction de Particie 395 du codę des douanes n’a pas ete modifiee : les declarants sont penalement responsables, «sauf leur recours contrę leur commettant». N’est-ce pas signifier qu’ils sont systematiquement responsables des irregularites commises dans leurs declarations, independamment de toute bonne foi de leur part? Tout au plus pourront-ils, quand ils auront rigoureusement suivi les instructions de leur Client, se retoumer contrę celui-ci au plan civil.
Certes, on conęoit qu’une telle position puisse choquer en consacrant une responsabilite penale du fait d’autrui, independante de toute faute person-nelle du contrevenant.
Les exemples ci-dessus revelent pourtant une responsabilite fondee sur le risque, inherente a la profession de commissionnaire, qui oblige ce demier a endosser la responsabilite de dommages auxquels il a pu rester totalement etranger. On peut ainsi difficilement considerer que le commissionnaire en douane a ete negligent ou imprudent en ne recourant pas a une expertise chez le destinataire des marchandises, ou en ignorant les intentions cachees de son Client; en 1’espece, il a meme ete condamne pour avoir respecte les instructions d’un mandant qui etait vraisemblablement de mauvaise foi. C’est dire que cette presomption ne resulte pas d’une imprevoyance consciente puisqu’il n’a pas eu conscience du caractere reprehensible de son attitude, ni meme d’une imprevoyance inconsciente qui necessite au moins la demonstration d’une faute penale. Elle s’afFirme comme Tillustration d’un droit penal particulier aux professionnels des douanes, de naturę, en faisant planer la menace d’une sanction penale, a obtenir le respect des interets du Tresor public. Ce droit est plus rigoureux parce qu’en tant que praticiens ils sont censes n’avoir aucune excuse, meme s’ils n’ont pas participe person-nellement a 1’infraction.
La meme logique sous-tend la repression des detenteurs de marchandises frauduleuses.
43. En effct sclon la Cour dc cassation, scs compćtenccs tcchniąucs doivent lui pcrmcttrc, par Pexamcn des marchandises ou des documcnts ainsi que les eclaircissements qu*il aura pu demander a son commettant ou a des experts, de determiner exactement Pespecc, la valeur et Torigine des marchandises (Crim. 11 avr. 1940, DC n° 2159).
44. Crim. 20 oct. 1947, Doc. Cont. n° 805.
45. Crim. 2 fevr. 1959, Buli. crim. n° 915.
Rev. science crim. (3). juill.-sept. 1990