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Les colonies franęaises deviendront ainsi 1'objet d'un marchandage entre deux pays mediterraneens voulant renouer avec le passe romain. D'ailleurs ces visees de 1'Italie fasciste sur la Tunisie aboutiront en 1936 en Tunisie, au Caire et en Italie au «“philo-fascisme”, un mouvement qui demande 1'union des colonises d'Afrique du Nord avec les nations “prole-taires”, 1'Italie et 1'Allemagne, depossedćes de leurs colonies par 1'Angle-terre et par la France.»420
En 1925, Bertrand celebre le centenaire de la naissance du Cardinal Lavigerie en ecrivant un article apologetique sur ce fameux religieux fran-ęais qui, outre son oeuvre apostolique, luttait contrę resclavagisme, qui a aussi fonde la societć des Peres blancs (1868), de meme que celle des Soeurs missionnaires d'Afrique (1869); devenu chef de 1'Eglise d'Afrique
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et Cardinal, il fut aussi administrateur apostolique de la Tunisie. C'est une occasion pour Bertrand de rappeler les idees de ce grand Franęais qui restaient en parfait accord avec les opinions de Bertrand, car le Cardinal reprend 1'anciennne dichotomie barbare/civilisć ou bien celle de musul-man/chretien. Lavigerie parlait de la sterilite intellectuelle de 1'Islam, de son mepris de l'art et de la science qui faisait que, dans le domaine de la civilisation, cette religion n'a jamais rien invente, tout ce qu'elle a reussi a avoir venait de ses voisins.
Ainsi, l'lslam se presentait aux yeux de cet echappe de la Sorbonne, comme l'adversaire irreductible de la civilisation occidentale et comme l'auxiliaire designe de toutes les barbaries. Pour la premiere fois, ce jeune abbe [...] se heurtait au Barbarę. De sa mission syrienne, il rapportait la vision d'un monde obscur et sauvage, plein de surprises et de dangers latents et qui etait une menace perpćtuelle pour 1'Occident civilise. Desormais, cette vision allait 1'obseder jusqu'a son demier soufłle. Dans un mandement [...], il disait a ses diocesains, a l'Afrique tout entiere : “Faire de la terre algerienne le berceau d'une nation grandę, genćreuse, chretienne, d'une autre France, en un mot, filie et soeur de la nótre, et heureuse de marcher dans les voies de la justice et de 1'honneur, a cóte de la mere patrie: repandre autour de nous, avec cette ardente initiative, qui est le don de notre race et de notre foi, les vraies lumićres d’une civilisation dont l'Evangile est la source et la loi; [...] relier ainsi l'Afrique du Nord et l'Afrique centrale k la vie des peuples chretiens, telle est dans les desseins de Dieu, dans les esperances de la patrie, dans celles de 1'Eglise, votre mission providentielle. En pouvez-vous concevoir de plus haute, de plus digne de vous et de votre patrie?”421
Ibid., p. 36.
421 L. Bertrand, «Le Centenaire du Cardinal Lavigerie» in Devant 1'Islam, Plon, 1926, pp. 92--95.