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ceux qui parlent une autre langue que la leur, les Slaves ont donnę aux Allemands un nom “nemits”, qui signifie a 1’origine “muet” [...]. De faęon plus generale, les envahisseurs, les explorateurs ou les commeręants nom-ment k leur gre ceux qu’ils ont en face d’eux et qu’ils considerent, pour des raisons ideologique variees, comme leurs infćrieurs.60
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Dans le roman de Louis Bertrand l’univers algerien de Pćpoque prend la formę d’un creuset de peuples ou de «races». Ce creuset multi-colore et bigarre est dominć par le rouge, couleur du sang. Le mot «sang» avec le mot «race» appartiennent aux mots-cles de ce roman. D’ailleurs le titre du roman est deja emblematique parce que’on y juxtapose les deux mots qui seront le plus souvent utilises par leur auteur.
Des la troisieme page du livre nous apprenons que les trois nouveaux debarques sur la terre algerienne viennent d’Espagne d’ou la famine les a chasses et qu’ils sont venus «chercher le pain blanc et la joie sur cette terre d’Afrique, ou la vieille haine de leur race apprehendait toujours les malćfices sacrileges et les traitrises du Maure.»61
Juste au debut nous sommes conffontes a un probleme Capital con-cemant la race espagnole comprise ici comme representante des nations mediterraneennes ou plutót de la nation latine confrontee au Maure donc a 1’Arabe. Ce Maure est designe par toute une gammę de vocables defavorables : il devient responsable des «malefices», et en plus, des male-fices «sacrileges» ce qui augmente le poids de ses crimes car il s’agit de la profanation du sacre chretien bien sur. On parle aussi de ses traitrises pour renouer avec le stereotype de 1’Arabe dont l’un des traits les plus marques est 1’infidelite. «La vieille haine» espagnole se trouve donc justifiee par les pćches si graves de leurs etemels ennemis.
Nous avons releve que le mot «sang» apparait quarante fois dans le texte et tres souvent il est accompagne du mot «race» ce qui met en valeur la parente de ces deux mots; il ne serait pas abusif de rappeler l’un des sens du mot «sang» d’aprćs Le Petit Robert: «[...] 4. Le sang, traditionnel-lement considere comme porteur des caracteres raciaux et hćreditaires [...], La voix du sang, instinct, affectif familial. - Une bele de sang, de race.»62 40 L.-J. Calvet, Linguistique et colonialisme, petit traite de glottophagie, Payot, 1979, p. 56.
61 L. Bertrand, Le Sang des Races, Paris, Librairie Paul OllendorfT, 1924, pp. 2-3.
62 Le Petit Robert. Dictionnaire alphabeliąue et analogique de ta langue franęaise, rćdaction dirigec par A. Rey et J. Rey-Dcbove, 1988, p. 1760.