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ici 1'Occidental, de penetrer son ame; 1'Arabe devient donc impenetrable, imprćvisible, peut-etre ruse et pour cela dangereux. Un simple vetement, dont la misę est dictće par des raisons climatiques, peut engendrer un cliche qui incite ś connaltre 1'Autre malgre son opacite apparente; de cette faęon, on aboutit a une constatation portant sur bien des stereotypes.
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Outre le mirage oriental qui fonctionne aussi comme ce miroir magi-que dans Iequel on se regarde soi-meme et qui reflete souvent une image negative de 1’Occidental, une autre idee rćgit 1'image de l'Autre dans les ecrits coloniaux : celle qui porte sur la perte du paradis du monde primitif une fois que le seuil du monde industrialise a ete franchi. Nous avons ici affaire a une problematique dont les origines remontent aux annees quatre-vingt du XVIItf siecle44’ et qui conceme la societe modeme et la crise de sa conscience. Les resultats de nombreux voyages effectues a cette epoque ebranlent la conscience europeenne. Le cas des fugitifs prote-stants, cite par Paul Hazard, qui s'embarquent le 10 juillet 1690 a Amsterdam quittant une Europę ingrate dans le but de chercher l'Eden en route pour les Indes afin d'y mener une vie nouvelle est un evenement symbolique pour l'epoque. Les voyages permettent de relativiser les cho-ses et surtout les coutumes. Certainement il aurait fallu donner la primaute a Montaigne en matiere de relativisme, mais la fin de l'epoque classique s'avere etre une epoque ou non seulement la voix d'un grand intellectuel comme Montaigne retentit fort, mais tout un choeur de voix aboutit a chanter le changement de perspectives et de hierarchie de valeurs selon lesquelles on apprecie l’Autre. La premiere modification concemait des coutumes, la seconde, non moins importante, etait le cas du «bon sau-vage». Bien que ces deux problemes ne soient pas nouveaux, ils y attei-gnent leur formę definitive : surtout le second, concemant la problema-tique du «bon sauvage», reęoit son statut exceptionnel grace a l'ouvrage en trois volumes du baron Lahontan lequel porte les titres de Nouveaux Vo-yages, de Memoires de l'Amerique septentrionale et de Dialogues curieux entre 1'Auteur et un Sauvage. Ces trois livres concement le meme voyage et le meme peuple de sauvages : les Hurons. Le troisieme volume prend la formę d'un dialogue philosophique entre un sauvage habile, Adario, qui a visite autrefois la France et Lahontan lui-meme. Dans ce dialogue, Adario est celui qui est beau, fort, heureux; ne sachant ni lirę, ni ecrire, il
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Cf. P. Hazard, Kryzys świadomości europejskiej 1680-1715, PIW, 1974.