psychologiąue: A ce moment-la il ne lui etait plus possible de penetrer dans lesprit de Grotius. Exaspere par ses luttes innombrables, attriste par le sentiment de ne plus pouvoir detourner la ruinę qui menace et qu’il prevoit, extremement las, il fait encore une derniere tentative pour faire tarir une des sources, selon lui, de ces innovations, pernicieuses pour rCglise et dangereuses pour son oeuvre personnelle. Bossuet ne peut s’em-pecher d’avoir envie de rire a la vue de ce petit savant, qui n’est menie pas theologien, et qui, sous pretexte de quelques avantages qu’il aurait dans les langues et dans les belles lettres, se mele de se prononcer contrę un theologien par qui la ,,colonne de la verite”, „la bouche du Saint-Esprit” nous enseigne 154). II cherche a le confondre de ses propres paroles, et ne voit plus dans son oeuvre que ce qui peut le compromettre aux yeux des fideles. II perd son objectivite, qu’il gardait encore envers Grotius au moment ou il ecrivit ses Suppletida irt Psalmos. II ne se soucie plus d’evaluer tous les textes en les replaęant dans leur ensemble. II les lance un a un a la tete de son adversaire, il n’oublie pas de Taccabler sous son „fatras scientifique”, et finit par le faire comparaitre devant le tribunal du Dieu severe qui aime a confondre les savants du siecle. Ses contem-porains lui ont deja fait remarquer son injustice. Le 21 aout il ecrit a Claude Lepelletier:
„Je vous assure, Monsieur, que je n’ai ni charge ni favorise Grotius. Je sais les sentiments ou les voeux de M. Bignon et les prieres de deux savants jesuites sur le sujet de cet auteur; mais je me suis contente de rapporter ses paroles, lesquelles n’ayant ete suivies d’aucune profession de foi, je demeure en suspens, et laisse la cause indecise jusqu’au jour du jugement” 155).
Dans le ton perce un peu plus de misericorde chretienne, mais pour le reste la position que Bossuet avait prise, est desormais immuable. Grotius est pour lui „rennemi des propheties”, qui tend a „secouer le joug de la verite”156). Voila la derniere parole de l’eveque de Meaux dans cette affaire. Et le rideau tombe sur ce malentendu.
UN MALENTENDU TRAGIQUE.
„Je travaille maintenant tous les jours pour la verite du salut et pour la paix des chretiens”, ecrivit Grotius en 1640 a son pere, a qui il deman-5 vol. Cette edition n’est pas connue. Rogge, Bibliotheca Grotiana ne mentionne a
cette datę que : Hugonis Grotii opera ontnia theologica, in tres tomos divisa......
Amstelodami, apud haeredis Joannis Blaev., 1679. II s’est probablement glisse des fautes dans le catalogue de vente de 1742.
154) Dissertałion sur...... Grotius, CEuvres completes, t. II, p. 90-91.
155) Correspondancc, t. XIV, p. 100-101. M. Bignon est l’avocat generał a qui Grotius aurait promis de se faire ouvertement catholique apres son retour de Suede. Les deux jesuites sont les P.P. Petau et Philippe Briet, qui croyaient Grotius catho-lique dans 1’ame.
156) Lettre a Yalincour du premier oct. 1703, Ib., t. XIV, p. 112.
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