Rappelons-nous que van Heussen etait un des admirateurs d’Arnauld, avec qui il avait ete en relations tres etroites. Roos lui-aussi, cure du beguinage de Delft, a ete lie d’amitie avec le refugie franęais. Sous l’in-fluence de Tecole janseniste, preparee et renforcee par celle des irenistes bibliques, la methode dogmatique, qui avait ete preponderante en Hollande dans la premiere moitie du dix-septieme siecle, etait tombee en desuetude. Le grand maitre, ce n’cst plus Bellarmin, c’est Veron, mais c’est surtout 1 eveque de Meaux, qui a pris la succession des celebres polemistes janse-nistes dans la controverse religieuse.
Nombre dauteurs de petits pamphlets, de colloques insultants et de poemes satiriques sont devenus ses adeptes. lis n’ont qu a etendre la main pour puiser dans les ouvrages de van Heussen des preuves toutes faites, des refutations peremptoires et des citations appropriees. On ne doit donc pas s’etonner de retrouver dans cette litterature de troisieme rang maint argument ou Ton peut reconnaitre aisement la griffe de Teveque de Meaux, ni meme d’y voir alleguee 1’autorite du grand controversiste franęais.
Ces adeptes n'ont pourtant pas toujours ete fideles a Tesprit du maitre. Tres souvent il s’agissait dans ces libelles de la doctrine, au detriment de la charite. Ils n’ont certainement pas contribue a rendre ]es protestants hollandais sensibles aux raisons de Bossuet, ni a les faire embrasser de leur cóte sa methode pacifique. Ils ont du, au contraire, les avoir raffermis dans leur attitude de defense ou d’agressivite impitoyable. Incites par leurs ministres bretteurs, les reformes n’epargnaient rien dans la religion que leurs ancetres avaient quittee et contrę laquelle ils s^charnaient, aveugles par les prejuges de quelques generations. Les demons, dit une chanson populaire du debut du siecle, leur ont ordonne d'affirmer d'un commun accord que le papę est TAntechrist, et que TEglise catholique est pleine d’idolatrie et de superstition, et surtout de calomnier le clerge 379). Si tel est Tetat d’esprit au commencement du dix-septieme siecle, il ne faut pas s’attendre a le voir meilleur vers la fin du regne de Louis XIV. Dune part la scolastique calviniste n’a fait qu’appuyer la defense protestante. D'autre part les huguenots refugies n'ont pas inspire a leurs hótes des sentiments de paix et de reconciliation. Eux-memes ils n'avaient pas affronte tous les sacrifices ni tous les dangers de la fuite clandestine pour se laisser prendre dans les rets du fameux convertisseur, maintenant qu,ils respiraient Tair librę dans un pays ou leur religion etait favorisee par les autorites. Ils ont sans doute fait tout leur possible pour empecher leurs freres hollandais de se laisser capturer.
379) M. Sabbe, o.c., p. 40.
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