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Americains leur ont pris les plus belles femmes, mais ce qui frappe c’cst le caractćre ostentatoire des mots pćjoratifs visant les Allemands :
Fiers de parlor unc langue incomprise des autres, ils (les Allemands) unircnt plus etroitement Icurs mains et, devant la hainc grondante qu’ils sentaient autour d’eux, ils redoublerent 1’ardeur belliqueuse de leur chant. (...] -Des Allemands! reprit Cecco... Ah! Santa Madonna! J’en ai trop vu, quand je travaillais au tunncl du Gothard..., je te le dis, moi, il n’y a pas de plus sales betes!... (...) Cecco se rappelait une bataille entre Allemands et Piemontais, d’ou son frerc elait sorti avec une cóte brisee.93
II semblc que Bertrand le Lorrain prononce ces paroles dans lesquel-les resonnent des echos dc la guerre franco-prussienne.
Le mutisme de l’Arabe dans ce texte vient de sa quasi absence qui est ici signifiante car Bertrand n’accepte pas sa place parmi le peuple latin : observons deux groupes de vocables valorisant 1’Arabe selon son domi-cile. Les Arabes du Sud recevront toujours des epithetes favorables et ceux du Nord seront discredites car
le peuple neo-latin de l’Afrique du Nord est fort de toutes les races mediter-raneennes dont “le sang” demeure fidele aux tendances hereditaires, il con-tinue l’oeuvre millenaire de la colonisation africaine. Le Sang des Races est le roman de la Latinite moderne.94
L’agressivite du lexique portant sur 1’Arabe du Nord trouvera sa raison une vingtaine d’annees plus tard :
1’Oriental, et, en particulier, le musulman, est notre ennemi. Ne Foublions jamais! [...]. Ils sont nos ennemis pour toute especc de raisons, dont la principale est la diłTćrence des religions et des mentalites, une religion qui n’a pas su et qui meme n’a pas voulu s’adapter aux conditions du monde moderne; une mentalite fanatique et belliqueuse |...].95
La negation dc 1’Arabe, non seulement de 1’Arabc du Nord, mais dc tout Arabe, sc generalise et clle concerne le musulman, la causc dc celte vieille haine vient de la ditTerence religieuse.
Robert Randau a ete qualifte par Alain Calmes de representant du «roman colonocentriste eclaire» ce qui suppose le caractere evolutif de son oeuvre par rapport a celle de Louis Bertrand qui est nomme par le ’J Ibid., pp. 87-88.
1,4 M. Ricord, Louis Bertrand 1'Africain, op. cit., p. 194.
95 L.. Bertrand, Devanl l'lsluni, Librairic Plon, 1926, pp. 50-51.