498 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PENAL COMPARE
Leur faute consiste a ne pas avoir pris les precautions necessaires pour empecher 1’infraction de survenir. La negligence resulte de la seule violation de la regle legale. Certes, en theorie, le capitaine a la possibilite d’arguer de son absence de faute ; a cet egard 1’article 394 precise expressement « qu’il est decharge de toute responsabilite s’il administre la preuve qu’il a rempli tous ses devoirs de surveillance ».
En realite, on peut toutefois douter qu’il puisse valablement soutenir qu’il a scrupuleusement rempli son obligation de surveillance si, dans le meme temps, des marchandises prohibees ont ete decouvertes a son bord (sauf a rendre inexistante la presomption edictee). Du reste, alors que la preuve de 1’absence de faute de surveillance etait theoriquement possible avant 1987, aucune decision publiee n’a, au moins a notre connaissance, admis un teł raisonnement. Les capitaines se trouvent donc responsables en ce que l’in-fraction demontre qu’ils n’ont pas apporte a leur mission toute la diligence requise, et cette negligence, en les condamnant, exclut leur bonne foi. On aboutit ainsi a une appreciation objective de la responsabilite penale, dega-gee des notions d’intention ou de conscience, en raison de ce que le profes-sionnel aurait du savoir, ou ne pouvait pas ne pas savoir, en tant que prati-cien des douanes. L’intention est absorbee par la negligence, « car ne pas agir comme on le devrait, n’est-ce pas negliger d’entourer son action de toutes les precautions voulues, et partant, etre imprudent »40.
— La responsabilite des declarants, comme celle des commissionnaires en douane, participe de la meme volonte du legislateur d’obtenir le respect de la reglementation en s’assurant le concours, quelque peu force, des profes-sionnels du commerce intemational.
Aux termes de 1’article 395-1 du codę des douanes, «les signataires des de-clarations sont responsables des omissions, inexactitudes et autres irregulari-tes relevees dans les declarations ». Dans le meme sens, Farticle 396 du codę des douanes dispose que «les commissionnaires en douane agrees sont responsables des operations en douane effectuees par leurs soins».
De telles incriminations paraissent a priori legitimes: la declaration en detail constitue l’oeuvre personnelle du declarant; il semble donc logique qu’il soit penalement responsable des irregularites qui 1’affectent, quoiqu’il ait agi pour le compte d’un tiers. De meme, le commissionnaire fait profes-sion d’accomplir pour autrui des formalites de douane. II en resulte une obligation de diligence et de prudence, qui conduit a porter a son compte tous les vices decouverts dans ses actes41.
La difficulte nait du fait que le declarant ou le commissionnaire a pu se bomer a suivre les instructions de son commettant. Peut-il exciper de sa bonne foi ?
Jusqu’en 1987, la condamnation semblait ineluctable. Peu importait, au plan penal, qu’il se soit rigoureusement conforme aux instructions de son mandant des lors qu’une infraction avait ete commise. Selon la Chambre criminelle, la mission des commissionnaires « ne consistait pas seulement a reproduire les termes de la declaration faite par leur commettant, mais a faire une declaration reguliere, apres avoir effectue les verifications necessaires »42. Un commissionnaire avait ainsi ete declare penalement respon-
40. B. Mcrcadal, prćc.
41. Crim. 14 dćc. 1907, Bul!, crim. n° 508.
42. Crim. 8 avr. 1897, DC n° 345.
Rev. science crim. (3), juill.-scpt. 1990