500 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PENAL COMPARE
2. Uarticle 392 du codę des douanes selon lequel «le detenteur de marchan-dises de fraude est repute responsable de la fraude » est communement pre-sente comme instituant une double presomption.
— Une presomption d’imputabilite materielle tout d’abord, en ce que l’ac-cusation n’est pas astreinte a demontrer la participation personnelle du detenteur a 1’acte frauduleux (contrebande, importation sans declaration...). L’infraction resulte de la seule detention des objets de fraude, independam-ment de toute recherche d’un acte positif duquel resulterait la situation irreguliere46.
Encore une presomption subsidiaire evite-t-elle a 1’Administration de demontrer la detention stricto sensu lorsque le prevenu n’a pas ete decouvert porteur des objets « a corps ou a la main » : est considere comme detenteur celui qui a la jouissance des lieux ou ils ont ete deposes, quel que soit son titre (ou son absence de titre): proprietaire, locataire, occupant... Ont en consequence ete condamnes comme detenteurs des marchandises saisies dans un immeuble l’epoux separe de biens de la proprietaire, des lors qu’il resultait des constatations des juges du fond que 1’immeuble constituait son domicile et qu’il occupait les lieux47, le gardien a qui son proprietaire l’avait confie pendant son absence48 ou encore, s’agissant de marchandises en cours de circulation, le « prepose a la conduite »49, c’est-a-dire celui qui mene la voiture, la surveille et preside au chargement.
— Une presomption de culpabilite ensuite, des lors que la detention sup-pose l’existence d’une faute penale a 1’encontre du detenteur.
Jusqu’en 1987, cette presomption ne pouvait etre contredite par une preuve contraire : «le detenteur de marchandises dont 1’entree est prohibee est penalement responsable de la fraude et ne peut etre exonere qu’en justi-fiant d’un fait precis de force majeure »50. La Chambre criminelle avait par exemple casse un arret de cour d’appel qui, sur des poursuites pour importation sans declaration de marchandises prohibees, avait relaxe le prevenu au motif qu’il ne connaissait pas le contenu du colis, et qu’il etait ainsi dans Timpossibilite absolue de se soumettre a la loi. Selon la Haute juridiction, la force majeure ne pouvait resulter que d’un evenement exterieur, non impu-table a 1’auteur de 1’infraction et absolument impossible a eviter51.
La question est de savoir si 1’abrogation de Tarticle 369-2 du codę des douanes permet desormais au detenteur d’invoquer avec succes sa bonne foi. A priori on peut en douter52.
46. Crim. 17 nov. 1942, D.A. 1943. 22.
47. Crim. II oct. 1972, prćc.
48. Crim. 3 juin 1950, Doc. Cont. n° 934.
49. Ch. reunies, 21 janv. 1885, D.P. 1885. I. 217 ; lorsąifune marchandisc de fraude a ete decou-
verte dans un wagon, la responsabilite penale a pese sur le chef de train : 27 avr. 1938, D.H. 1938.
391 ; pour une jurisprudence complete, cf. J.-F. Durand, /.-c/. pćn. annexes « douanes » fasc. 7.
50. Crim. 15 avr. 1956, Buli. crim. n° 329 ; adde 27 avr. 1938, Buli. crim. n° 136 : « c’est a tort qu*un arret declare un conducteur non responsable a defaut d’intention ».
51. Crim. 19 fevr. 1958, Buli. crim. n° 172 ; adde Crim. 15 nov. 1833, S. 1834. I. 95, duąuel il res-
sort qu’un tribunal ne peut relaxer un proprietaire au motif que les marchandises ont pu etre intro-duites et cachees par des personnes etrangeres, dans des granges dependant de la maison d’habitation d*un vieillard infirme, sans qu’il en ait eu connaissance ; 9 janv.l982, D. 1983. l.R. 195 ; 25 janv. 1982, Gaz. Pal. 1982. II. 404, notę Doucet ; J.C.P. 1983. Ed. C./., I. 11254, obs. Berr et Vignal ; 21 fevr. 1983, J.C.P. 1984. Ed. E., I. 13487, obs. Berr et Vignal.
52. On laissera ćvidemmcnt de cóte le cas des transporteurs publics qui, meme avant 1987, pou-
vaient demontrer leur bonne foi a la condition de permettre a TAdministration d’exercer utilement des poursuites contrę les auteurs veritables de la fraude (art. 392-2 c. douanes).
Rev. science crim. (3), juill.-scpt. 1990