524 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PENAL COMPARe
a 18 ans), et que des sanctions specifiąues pourront lui etre appliquees (admonesta-tion, remise a parents ou un tiers gardien, liberte surveillee) avec benefice de l’excuse de minorite, si la sanction d’emprisonnement est retenue, (benefice acquis de plein droit s’il est age de moins de 16 ans) de sorte que Pechelle des peines applicables s’en trouvera reduite avant meme que le juge n’ait a se poser la question de circons-tances attenuantes (art. 66-67 c. pen.) : tout se passe comme si, theoriquement du moins, le mineur penal recevait alors la double faveur de circonstances attenuantes successives, les unes de droit, les autres au gre de Pappreciation du juge. L’entier systeme etant suspendu a Page reel de I’individu tel qu’il resulte de la seule lecture de son etat civil. On peut etre majeur ou mineur a un jour pres, mais la est toute la difference !
D’ou, cette premiere et imperieuse necessite de viser aussi precisement que pos-sible, dans 1’acte de poursuite, la datę de 1’infraction commise ou supposee et de rap-procher cette datę de Page de son auteur a ce moment precis.
Un tel systeme, parfaitement abstrait et apparemment sans faille, conduit a quelque etrange singularite : on sait que le majeur poursuivi pour des faits commis lorsqu’il etait mineur sera puni en consideration d’un etat de minorite pourtant revolu. (Le systeme confine a 1’absurde si fon se refere aux penalites specifiquement reservees aux mineurs...).
Et la singularite s’amplifie dans Phypothese ou le meme individu s’est livre a une serie d’infractions dont certaines commises alors qu’il etait mineur, d’autres apres qu’il fut devenu majeur : theoriquement, Pindividu en question devrait faire 1’objet de poursuites distinctes puisqu’il releve — meme si les faits sont rigoureusement de meme naturę — de deux regimes de droit differents. En pratique, la poursuite s’exercera le plus souvent en fonction de la gravite respective des infractions commises, mais s’il y a necessite de double poursuite (presence de victimes demandant a etre indemni-sees — infractions sans lien entre elles ou de naturę diflerente...), se posera alors la question du non-cumul des peines, principe intangible (art. 5 c. pen.), qui suppose, pour etre bien resolue, que fon se trouve en presence de peines de meme naturę (dans le cas sus-evoque, le risque de « peines compatibles » entre elles est reel, bien que sans veritable incidence pratique).
Le systeme coutumier ignore ce decoupage rigide du temps : autant qu’il est permis de le connaitre, il realise en revanche une tres interessante synthese entre statut civil et statut penal de l’individu ; il n’existe — en eflfet — aucune frontiere temporelle pre-determinee entre Petat de « minorite » et celui de « majorite » mais une frontiere so-ciale eminemment variable : en principe, la « minorite » (au sens triba] du terme, c’est-a-dire fetat de « non adulte ») s’arrete au mariage ; Pevolution des moeurs per-met de considerer aujourd’hui qu’elle s’arrete aussi au simple concubinage, tout au moins s’il est accepte par la tribu. Car c’est avec Paccession a Petat de vie maritale que Pindividu franchit un seuil social tres important dans le monde coutumier: d’enfant il devient homme (« do kamo » dans le langage de la Grandę Terre, « nyipiatr » dans celui des Ileś Loyaute, terme dont la traduction litterale s’apparente a : « celui qui est digne de consideration », ou plus simplement « notable »).
Quant au celibataire endurci, il faut sans doute admettre qu’il devient majeur sans le savoir... a Page de procreer, ou plus subtilement en faisant la preuve de son apti-tude a procreer. Si, de ce point de vue, Phomme peut beneficier « du doute », la femme en revanche vit sous le regard inquisiteur et interesse de la tribu : sterile, elle sera consideree comme un etre « a part », un peu comme une « mere de substitu-tion » a qui Pon confiera la gardę de jeunes enfants par exemple ou la charge de taches d’interet commun.
Ainsi, le systeme coutumier se preoccupe-t-il avant tout de « Petat social » de Pindividu, voire de son etat biologique. C’est cet etat qui le fait acceder a la recon-naissance d’une pleine capacite.
Rev. sciencecrim. (3), juill. sept. 1990