530 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PeNAL COMPARe
Nulle peine sans texte, rappelle le theoricien des temps modemes. C’est la, en tout cas en droit franęais, un principe plus solide que la Ligne Maginot !
Et d’observer, en effet, que chaque texte d’incrimination s’accompagne d’un ensemble de penalites soigneusement delimitees, la plus courante d’entre elles, quels que soient par ailleurs les efTorts entrepris pour en limiter Pusage, consistant en une duree d’emprisonnement le plus souvent comprise entre un minimum et un maximum.
Ainsi, la loi laisse-t-elle au juge le soin, a Pinterieur de ces limites, de faire la place qu’il estime aux circonstances particulieres de Pespece et a la personnalite de Pauteur.
Et nous savons que la loi ajoute a cette forte liberie du juge le pouvoir de punir meme au-dessous du minimum prevu (par le jeu des circonstances attenuantes), voire au dessus du maximum en cas de recidive. (Mais ici, mieux vaudrait dire que c’est Petat de recidive lui-meme qui agit sur le maximum de la peine encourue et cette nouvelle limite maximum tiree de la recidive devient, elle, infranchissable).
La technique de la recidive est Punę des plus complexes de notre droit. Sans entrer dans son mecanisme, il suffit d’observer qu’elle se fonde, elle aussi, tres largement sur la notion de temps.
Exception faite de la recidive « de crime a crime » (le maximum d’une peine crimi-nelle encourue est automatiquement aggrave des lors que le coupable avait deja ete condamne a une peine criminelle avant de commettre un second crime : peu importe alors le temps qui separe les deux crimes), les autres formes de recidive supposent qu’une premiere condamnation devenue definitive a ete prononcee dans les cinq ans qui precedent la commission d’une nouvelle infraction. Ainsi, le plus souvent, la notion meme de recidive est-elle sujette au temps qui en separe les deux termes (cf. art. 56 a 58 c. pen.).
Un tel souci du temps ecoule tourne a Pobsession si Pon se refere cette fois a la technique particuliere du sursis (autre bete noire du penaliste).
La loi autorise, en effet, le juge a assortir la peine de prison qu’il prononce du be-nefice du sursis : mais d’une part, ce benefice n’est admis, en ce qui concerne le sursis simple tout au moins (c’est-a-dire non assorti d’obligations particulieres), qu’en Pabsence de condamnation depassant deux mois de prison ferme prononcee dans les cinq ans qui precedent le fait nouveau (theorie generale) ; d’autre part, ce sursis a pour effet, s’il s’accomp!it sans incident pendant un delai de cinq ans, de dispenser definitivement le condamne d’executer sa peine au terme de ce delai (on dit alors la condamnation « non avenue ») (cf. art. 734-1 et 735 c. pr. pen.).
En revanche, si le condamne sursitaire commet une nouve!le infraction dans ce delai de cinq ans, il devra en principe executer successivement deux peines : la premiere dont le sursis a ete revoque, puis la seconde qui a revoque le sursis, chronologie formelle qui peut preter a critique et etre source de quelques difficultes dans le suivi de Pexecution des peines.
Que dire de la theorie generale du sursis probatoire qui, si elle se debarrasse « en amont » de Pobstacle temporel — le prononce d’une peine d’emprisonnement assortie de cette sorte de sursis restant toujours possible quels que soient les antecedents du condamne (cf. art. 738 al. 1 et 734-1 a contrario c. pr. pen.) — s’enchaine « en aval » au boulet du temps en imposant au tribunal de fixer le delai d’epreuve du condamne a une duree « qui ne peut etre inferieure a 3 annees ni superieure a 5 annees » (cf. art. 738 al. 2 c. pr. pen.). Si la limite maximum se comprend aisement, quel justificatif donner a ce delai minimum d’epreuve que seule une decision speciale du tribunal peut ramener a deux ans (cf. art. 743 al. 2 c. pr. pen.) ?
Cette regle contribue, sans evidente necessite, a alourdir inutilement la gestion d’un service tres special d’execution des peines, quand bien souvent le condamne serait en
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990