494 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PENAL COMPARE
meme ou en s’informant aupres de tiers, mais Fimpossibilite absolue ou il s’etait trouve de se renseigner, c’est-a-dire un veritable cas de force majeure27.
Qu’en est-il aujourcFhui ? Meme si rien ne permet de dire que la Cour de cassation a meconnu le sens et la portee de la reforme relative a la place de Felement intentionnel, 1’arret du 16 mars 1989 montre a l’evidence que la Chambre criminelle a entendu limiter la portee de Fabrogation de Farticle 369-2 du codę des douanes (1). Encore pourrait-on douter que la bonne foi s’applique egalement aux contraventions douanieres (2).
l.Selon Farret du 16 mars 1989, des lors que 1’auteur a pris sciemment le risque de faire circuler des marchandises prohibees, sans s’assurer du respect des regles douanieres, il a commis le delit de contrebande qui lui etait impute.
Si le sens de Fadverbe « sciemment» ne pose pas reellement difficulte des lors que plusieurs decisions ont precise qu’il s’entendait d’actes accomplis « en toute connaissance de cause »28, « d’une maniere consciente »29, on re-marque immediatement que la conscience a laquelle il est fait reference conceme ici un risque, le risque d’avoir fait circuler des marchandises sans s’etre prealablement informe des regles douanieres applicables. Certes, on admet que Fagent ne puisse pas demontrer sa bonne foi en prouvant son ignorance de la prohibition legale ou des obligations qu’il devait accomplir. II s’agit la d’une simple application de la regle nemo censetur. Mais il parait excessif, en Fetat de la complexite des regles applicables, de presumer irre-fragablement qu’il est toujours en mesure de connaitre la situation d’une marchandise. En Foccurrence, la materialite de Finfraction a sufłi a demontrer que Fagent avait ete negligent dans son obligation de renseignement, et cette faute de negligence a exclu d’elle-meme sa bonne foi, en etablissant par voie de consequence sa culpabilite30.
L’element morał consiste donc dans la negligence, Fimprevoyance de ne pas s’etre sufFisamment renseigne pour eviter Ferreur generatrice de Finfraction. Cette constatation conduit a mesurer combien il est errone de conside-rer les infractions douanieres comme intentionnelles depuis que la loi du 8 juillet 1987 a reconnu Fexigence d’une conscience infractionnelle. Elles s’averent si peu intentionnelles qu’une simple negligence sufFit parfois a en
27. Crim. 27 juill. 1937, Doc. Cont. n° 522 ; 8 aout 1949, Doc. Cont. n° 899 ; Douai, 17 nov. 1955, Doc. Cont. n° 1242 ; A. Legał, « L*evolution de la jurisprudcnce franęaise en matiere d’erreur de droit », R.p.s. 1960. 316 ; Couturier, « L*erreur de droit invincible en matiere penale », cette Revue, 1968.547 ; A. Franęon, « Lłcrreur en droit penal », in Etudes sur Vautonomie du droit pśnal, dirigees par G. Stefani, n° 27.
28. Crim. 13 mars 1989, pourvoi n° 87.91.510, inedit.
29. Crim. 18 dec. 986, pourvoi n° 86.91.048.
30. Berr, notę sous Crim. 16 mars 1989, prec.
Comp. concemant les delits de socićte, Paris, 15 janv. 1964, Rev. trim. dr. com. 1964. 335, obs. Houin, qui releve qu’il est frequent en cette matiere que le fait d’avoir du connaitre soit assimile a la connaissance effective ; cf. egalement A. Chavanne, « Le droit penal des societes et le droit penal generał », cette Revuet 1963.683.
Adde Crim. 26 janv. 1974, J.C.P. 1974. IV. 84, duquel il ressort que la simple violation d*un statut que le chef d’entreprise ne peut ignorer contient en elle-meme les elements tant moraux que mate-riels du delit d*entravc ; en matiere de trompcrie dans les ventes reprimees par la loi du ler aout 1905 : Crim. 5 janv. 1965 ; 18 janv. 1966, J.C.P. 1966. II. 14663, notę Vivcz ; Crim. 8 mai 1968, Buli. crim. n° 144 : « le fait, pour un importateur qui sait qu’un produit d’origine etrangere destine a Pali-mentation du bćtail risque, avec un tres fort coefłicient de probabilite, de contenir du ricin, de vendre et de livrer un tel produit sans lui avoir fait subir les analyses nombreuses et serrees dont il n*ignore pas la necessitć, constitue Telement morał du delit ».
Sur cette question, cf. Merle et Vitu, op. cit. n° 551 ; J.-P. Marty, prec. ; B. Mercadal, prćc.
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990