508 SCIENCE CRIMINELLE ET DROIT PENAL COMPARE
la soustraction frauduleuse visee d la prćvention, les donnćes comptables et commerciales figurant sur les documents et transmises a un tiers constituant des biens incorporels qui se trouvaient etre juridiąuement la propriete exclusive de rentreprise ».
Sous le rapport de la determination, exacte, de 1’objet du delit cet arret n’est pas net. Comme dans Farret Herbreteau (Crim. 29 avr. 1986, D. 1987. 131, notę M.-P. Lucas de Leyssac, J.C.P. 1987. II. 20788, notę Croze) on peut hesiter sur la determination exacte de cet objet: est-ce Finformation seule ou son support? Toutefois Farret Antonioli rejoint Farret Bourąuin quand il pose que les informations comptables transmises etaient la propriete exclusive de Fentreprise. Or, on Ie sait, la condition propriete d’autrui doit, dans le vol, s’appliquer a la chose objet du delit. II est donc permis de considerer que malgre son ambiguite Farret Antonioli consacre, lui aussi, un vol d’information seule.
Quoi qu’il en soit, il reste que Farret Bourąuin ne souffre, lui, d’aucune he-sitation: le vol peut porter sur le contenu informationnel des documents reproduits ; et donc avoir pour objet une information seule.
Cette reconnaissance du vol d’information seule opere une revolution ou-verte et de taille dans le droit du vol, mais, en elle-meme, cette revolution est peut-etre plus douce qu’il n’y parait au premier abord (I). De toutes faęons, elle est plus douce que celle que Fon constate quand on analyse la solution de Farret Bourąuin, en Fapprehendant non plus uniquement a travers Fobjet du delit mais, aussi, a travers Facte declare constitutif de la soustraction d’information : la reproduction. L’examen montre en eflfet que la reconnaissance d’une soustraction dMnformation par reproduction du document re-produit peut etre le foyer d’une profonde destabilisation dans un domaine qui n’a pas en principe de frontieres communes avec le vol: celui des infrac-tions se commettant par contrefaęon lato sensu. La reconnaissance d’une telle soustraction porte en elle une revolution cachee mais profonde parce qu’elle permet d’apprehender des reproductions qui ne pourraient Fetre au titre de la contrefaęon (II), ce qui ebranle plus particulierement, on le verra, le nouveau droit penal special de Finformatique.
I. — UNE REVOLUTION OUVERTE MAIS DOUCE...: UADMISSION DU VOL D’INFORMATION SEULE
La revoIution ouverte qu’opere Farret Bourąuin est double. Elle tient, d’abord, a ce qu’en faisant porter le vol sur le contenu informationnel des 47 disquettes, la Chambre criminelle est allee a Fencontre de la regle tradition-nelle selon laquelle, en matiere de vol, la chose doit etre materielle et ne peut etre incorporelle.
Elle tient, ensuite, a ce que le vol etant une infraction contrę la propriete, Finformation seule devient objet d’un droit de propriete que ne reconnait pas le droit des proprietes incorporelles. Et la Chambre criminelle ne se derobe pas devant cette consequence, puisqu’elle approuve les premiers juges d’avoir declare que le vol du contenu informationnel des 47 disquettes avait ete commis « au prejudice de la S.A. ąui en ótait propriśtaire ».
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990