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Nous avons dćja remarąue que Pindigene ne se trouve pas chez Ran-dau au premier plan, en tant qu’Autre, ici le colonise, il sert de pretexte a des reflexions sur la colonie algerienne. Le mćlange de mots franęais, arabes, espagnols dans le texte intensifie Popacite de cette image mais tel est le projet de Pauteur qui accepte la presence de PArabe dans son univers, il lui accorde le statut de personne, mais cette personne n’est pas encore mure et prete a disposer de son sort. Dans un tel contexte, les colons qui sont les vrais hćros du roman soulignent, a la manićre des personnages bertrandiens, leur appartenance a la race des nćo-latins. Tout au debut du roman, la familie Lavieux parle de son identite en enonęant ouvertement des idees sur Pautonomie de la colonie franęaise en Algerie, la conversation a lieu a table, on boit au succes d’Henri, fils de Jos :
(On boit) du champagne d’Algerie que je fabrique dans mon chai, et qui est mousseux numero ouahad. Et au kahoua, on se coulera entre les gencives la grandę fine des plateaux du Sersou! (Henri) - Que notre pays s’attache de plus en plus a se suffire a lui-meme! Avant tout, vieux, soyons des Africains. (Jos) - Tu as raison, fils! Emancipons-nous, [...]. On s’imagine k Paris qu’il y a deux sortes de Franęais au monde, ceux d’Europę, les maitres, et ceux d’outre-mer, les serviles. Hommes de PAlgerie, nous n’obeirons qu’aux lois bonnes pour PAlgerie et que nous aurons par avance discutees. Mais la France est une garce chbabe, et quand on Pengueule beaucoup on obtient d’elle ce que Pon veut! - Moi, vieux, j’ai le coup de combass : la France, pays de Pidee, PAlgerie, pays des neo-latins de Paction. ęa se complete!132
Le pays des neo-latins n’est pas, pour ces colons qui emploient si volontiers des mots non-franęais pour renforcer leur volonte d’appartenir a cette nouvelle race, un simple prolongement de la France; c’est une terre differente de la terre franęaise et la conviction de cette difference, pas encore Palterite, fait naitre le besoin de s’identifier. Une jeune filie, Ro-maine, affirme aussi son appartenance a «la nouvelle race africaine»,133 mais Phomme-modele de la nouvelle race est son firere, Cassard, qui sait parler arabe, «deux ou trois dialectes berberes; il connaissait les genealo-gies, les dias, les rancunes entre villages et se moquait avec ses copains de la naivete des juges franęais,»134 sa bibliotheque est exemplaire; elle abonde en livres orientaux et en ouvrages des kabbalistes juifs. Tres bien eduquć a Paris, il n’oublie pas son passe, surtout les vacances du temps de son enfance vecue parmi les jeunes Berbćres qui lui apprirent a dissimuler
IJł R. Randau, Les Colons, op. cit., pp. 24-25. IM Ibid., p. 43.
Ibid., p. 84.