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Le 30 juin 19$7, le Conscil des ministres de la culture de TUnion europeenne, reum a Luxembourg adoptait une deci-sion relative a un systeme transfrontieres de prix fixes du livre dans les zones linguistiques homogenes europeennes.
Cette decision imitait le Commission a entreprendre et prć-senter au Conseit une etude rćalisec par la Direction Generale X (Information. Communication, Culture Audiovisuel) permettant « d’indiquer. le cas echeant, les moyens de pcrmetlre Lapplication des reglementations/accords de prix fixes du livre a Linteneur de zones linguistiques homogenes ». par rexamen de 1'incidence de Particie 128. paragraphe 4, du Traite de Maastricht, sur Lapplication des autres articles de ce traite qui pourraient etre concemes. II sou-ligne en effet que « La Communautć tient comptc des aspects cul-turels dans son action au titre d'autres dispositions du traite ».
II s'agissait, pour les Etats membres. d'affinner leur volonte forte de voir reconnaitre au livre sa dimension importante de sup-port de valeurs culturelles europeennes et non seulement son carac-tere de bien econemique negociable, trop souvent j^eeminent au regard de la Commissjon, en vertu du respect des arłłcles 85 (paragraphe 1 et 3) et 30 du traite. respect vigilant assure par la Direction generale IV de la Commission, chargee de Lapplication des regles communautaires de concurrence.
Cette evaluation equilibree des aspects^culturels et econo-miques du livre demandee a L Union europeejne n est que la pour-suite des politiqucs culturelles de bon nombit d'Śtats membres qui, par le biais de dispositions legislatives ou d'accords interprofes-sionnels ont voulu reconnaitre au livre sa specificite en instaurant un systeme national de fixation du prix public du livre. Neuf ttats de la communautć en possedent a ce jour (France. Espagne, Portugal, Pays-Bas. Danemark. Italie, Luxembourg, Allemagne, Autriche), dont ccrtains. et c'est bien la Lenjeu capitaj pour une avancee europeenne concemant lc prix du livTe. ont ćfi ou sont contestes par la Commission europeenne au titre deyregles « antitrust », avant meme que Letudc demandee ait ete rcalisee.
Ainsi, 1’accord sur le prix des livres entre editeurs et libraircs en Allemagne et en Autriche a ete etudie par la Commission (DG !V)qui. le 14 janvier 1998 a rendu public un communique dc decision estimant quc ces accords nc sont pas conformes aux regles de concurrence europeenne et qu’elle ouvrait une procedurę contrę ce dispositif par le biais d'une notification aux parties.
Dans une lettre du 28 janvier 1998 au Commissaire europeen Marcelino Oreja. Cathennc Trautmann faisait part de son incom-prehension face a cette decision de la DG IV, qui. dans sa formę, ne tenait aucun compte dc la volonte politique expnmće fortement par les Etats membres en favcur dc Letude. Au fond, si lc gouvemement franęais, poursuivant une politique menee en pleine concertation. avec les Allcmands, les Autrichiens et les Nćerlandais notammcnt, est mobilise contrę cette decision de la DG IV, c‘est bien quc cette demierc, au-dcla meme de la dimension europeenne du probleme pourrait remettre gravcment en cause par ses motjvations les fon-dements des mecamsmes nationaux de prix imposes.
Le Conseil des ministres de la culture a adopte sa decision
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en « reconnaissant la valeur qu'un certain nombre d'Etats membres attachent a un prix fixe du livre en tant que moyen permettant. dans Linteret culturel du consommatcur, de maintenir et dc favoriser la diversite et la grandę acccssibilite des livres; que les autorites natio-nales de ces Etats membres ont accepte au nom de Linteret culturel generał, la limitation de la concurrence qu*implique un prix fixe du livTe », reconnaissant ainsi la valcur des svstemes nationaux de fixa-tion des prix.
L'ouverture d'une procedurę contrę Laccord austro-germa-nique (comme il en a ete de tous les aspects transnationaux : regime de prix de li\Tes importes prevu par le decret d'application de la loi Lang. accord anglo-irlandais dit « Net Book Agreement », accord neerlando-belge) releve pour sa part de Lapplication des regles communautaires de la concurrence. Constituant une rcstriction aux echanges transfrontaliers, cet accord d'operateurs prives a ete denonce et n'obtiendra donc sans doute pas d*exemption de la Commission au titre des regles de la concurrence, exemption determi-nee a partir des quatre criteres qui auraient pu la justifier: 1-ame-lioration de la production ou de la distribution des ouvrages; 2- le caractere indispensable de cette restriction a la concurrence; 3- un avantage au consommatcur; 4- un maintien de la concurrence dans le secteur. Selon la Commission, aucun de ces criteres n'est verita-blement rempli dans cet accord interprofessionncl.
Si la question du prix du li\Te n'est certes qu’un des ele-ments a prcndre en compte dans la recherche et la misę en oeuvTe d'une politique globale en faveur du li\Te, elle n'en dcmeure pas moins un element essentiel. De Lapplication des systćmcs de pnx fixc dependent en effet Legalite dc Lacces au livre quels quc soient son lieu d'achat, la disersite dc Loffre et les conditions economiques de perennite du reseau de la librairie traditionnelle qui en constitue le mcii leur defenseur.
La France considere qu'un effort similaire d'adaptation des regles de la librę concurrence au niveau communautairc scrait favorable a la realisation d'un marche europeen intericur du livre dans le respect de la diversite cułturellc des fetats membres. La misę en place d’un prix unique du livTe a Linteneur d’une meme zonę linguistique au sein dc LUnion europeenne dćfcndue par la France auprćs des instances europeenne decoulc du fait quc le marche potenticl d*un livre est etroitement dependant a la fois du contexte culturel et de Lcxpression Iinguistiquc dont il releve. U Europę du livrc est formee de plusieurs blocs culturcls et linguistiques, les zones linguistiques etant importantes pour maintenir la divcrsite cul-turclle au sein de la Communautć.
Des systemes unifies dc detcrmination du pnx du livre appa-raissent nćcessaires pour multiplier les echanges transfrontaliers dans la darte, etablir des regles du jcu saines entre ćditeurs et dif-fuscurs de pays voisins et defendrc une crćation ćditonale large et diversifiee. Plus que la recherche d*effcts economiques mcsurables a court termc, c*est un double souci de cohćrence et d’efficacite qui fonde cene position. En effet, un systeme dc pnx fixe ne fonctionne
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numśro 21 - fevrier mars 1998