LAURENJIU $TEFAN-S CALAT
Pour ceux qui veulent comprendre le «dechirement» actuel des nations, ce livre peut constituer un bon point de depart. L’ouvrage est consacrć au revirement du nationalisme dans cette fin du XX® siecle, et aux dćbordements de 1’idće nationale, trouvee responsable d’une bonne partie des conflits actuels.
Mais pourąuoi une idee du XIX* siecle, apparemment epuisee dans les experiences de la premiere moitie de ce siecle, revient dans le premier plan de la viepolitiąue des annćes ’90 ? C’est laąuestion qui incitebonnombre dechercheurs, politologues, sociologues, anthropologues, specialistes en droit constitutionnel, a elaborer une rćponse qui met en relation mentalitós et representations de groupe avec comportements politiques et fonctionnement des institutions etatiques.
La meme demarche caracterise les etudes renfermees dans ce livre et signees par des specialistes dans les dix regions du monde analysees. Elles sont reunies sous la houlette de Jacques Rupnik qui reussit ainsi a constituer un veritable «atlas» du nationalisme contemporain. Seulement le livre depasse largement le cadre des descriptions et des explications locales, car une bonne lecture peut deceler meme les grandes lignes d’une «theorie genćrale» des nationalismes.
Deux traits essentiels marquent 1’utilisation du mot nation. D’abord, il est une construction intellectuelle. Ne au XIX® siecle pour servir dans les luttes politiques et les mouvements de liberation, il a toujours ete a la recherche de la realite qu’il est censć designer. C’est pour cela - deuxiemement - qu’il n’est pas pourvu d’une acception univoque. En effet, deux conceptions de la nation se confrontent depuis un siecle et continuent a le faire (Rupnik, p. 27, et Pavlowich, p. 77, ont pris le soin de nous les rappeler). La conception «occidentale», franęaise, est celle d’une nation «vouluepar ses citoyens», d’une nation civique, donc, qui peuts’identifier aisement a «son» Etat qui la protege. Dans la conception «orientale», de filiation allemande, la nation est «faęonnee par sa langue et son passe»; une nation ethnique ou culturelle, cette fois, qui dispose du droit de revendiquer un Ćtat. La premiere, a l’ceuvre en 1’Europe de 1’Ouest ou «I’unite politique fut etablie avant 1’apparition du nationalisme modeme», ne posa pas trop deproblemes. Au contraire, la deuxieme, cristalisee plus tard, a pris corps dans 1’autre partie de 1’Europe, la ou les nations sont longtemps restees, surtout a cause des dominations imperiales, sans une entite politique correspondante. C’est pour cela que le nationalisme «modeme» s’est mani fes te
Rev. Etudes Sud-Est Europ., XXXIV, 1-2, p.147-152, Bucarest, 1996