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mistes d’entre nous auraient ete fort etonnes si on leur avait dit que, des 1960, notre Assem-blee en serait deja a aborder le probleme dans le concret.
Au point ou nous en sommes, je crcis qu’il etait bon de constater cette rapidite de l’evo-lution de la situation, car le fait que nous en soyons aujourd‘hui au stade ou ces elections s’inscrivent dans la realite de demain est sans doute l’une des meilleures preuves que TEurope est vraiment en train de se faire. Mais la partie est a la fois trop grave et, disons-le, trop belle a jouer pour que desormais tous les atouts ne soient pas judicieusement utilises.
Au cours des annees ecoulees, certaines frac-tions de 1'opinion publique, plus ou moins im-portantes, selon les pays, ont ete sensibles a l’ex-pression de reserves, voire de critiques, qui ten-daient a limiter les Communautes a une Europę des hommes politique$ doublee d’une Europę des techniciens. Les peuples, il faut le recon-naitre, ou certains tout au moins, ne se sont guere laissó exalter par le caractere ideolo-gique du developpement de la solidarite euro-peenne.
Bień que les esprits aient peu a peu evolue a mesure que les Communautes economiques gagnaient en profondeur comme en largeur, 1’opinion reste cependant surtout sensible a ce qui lui donnę 1’assurance ou 1’espoir que, du point de vue des interets materiels, l’experience est ou sera rentable. Nos honorables rapporteurs s’en rendent bien compte quand ils disent:
« Ce qui fait defaut dans une tres large mesure aux Communautes curopeennes, d’autres l’ont deja souligne : c’est le soutien populaire, la prise de conscience par les peuples europecns de leur solidarite, le sentiment partage que le cadre national est trop etroit et que c’est dans les Communautes que va prendre formę l’avenir, si 1’Europe doit avoir un avenir.
» L’election de 1’Assemblee doit des lors pro-duire dans les peuples des six pays un choc salutaire. De leur participation consciente sor-lira la seule volonte qui puisse soutenir la construction communautaire au dela des contin-gences, des divergences et des particuiarismes du moment. »
Je suis tout a fait de cet avis, mais je suis peut-etre d!un avis moins exclusif que les rap-porteurs, en tout cas moins optimiste qu’eux lorsqu’ils ajoutent plus loin :
« Ces considerations nous ramenent aux conceptions fondamentales de la science poli-
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lique, a la racines meme de ce regime democra-tique qui constitue la base de notre civilisation. Car nous ne connaissons et nous ne pratiquons, sous des formes diverses, qu’un seul moyen d’ex-primer la volonte populaire et d’associer les peuples a la gestion publique, ce sont les elections libres. »
Je pense, pour ma part, que les elections curopeennes sont necessaires a court terme et je suis favorable au principe generał qui inspire la convention soumise a votre approbation.
Si. sur quelques dispositions de cette conven-tion, notamment en ce qui concerne la repar-tition des sieges, je ne suis pas entierement d’ac-cord avec nos honorables rapporteurs, mon propos n’est pas, dans ma courte intervention — je reponds par la au souci de M. le President —, de m’arreter aujourd’hui, dans le cadre de cette discussion generale, a l’examen de telle ou telle disposition envisagee. Je veux m’en tenir a 1’idee d’ensemble qui est que les elections euro-peennes constitueront certainement 1’assise la plus solide de 1’Europe; mais vous me permet-trez, Monsieur le President, mes chers colle-gues, d’exprimer la conviction profonde qu’elles en compromettraient irremediablement le de-veloppement si elles se soldaient par un echec, echec sinon envisage. tout au moins redoute tout a l’heure par notre eminent collegue M. Maurice Faure, autrement dit si elles se de-roulaient ici ou la dans 1’indifference, si le pour-centage d’abstentions etait trop fort dans certaines regions. Cela, ii ne le faut pas ; il ne faut pas que ces elections sombrent dans l’incon-sistance, voire dans le ridicule.
Quelle autorite auraient les premiers elus europóens si, dans les pays ou le vote n’est pas obligatoire, ils representaient le tiers ou le quart des electeurs inscrits, les deux autres tiers ou les trois autres quarts etant alles a la peche ou en promenadę ?
Nous avons trop souvent constate, dans certains secteurs de nos pays respectifs, pourtant tres evolues politiquement, pour des elections importantes, entrainant une competition souvent passionnee, que le nombre des ćlecteurs ne de-passait guere 50 a 60 °/o, pour ne pas redouter que, dans le cadre de 1’Europe, encore peu meu-bl6 par les masses, les salles de vote ne soient guere frequentees.
Le risque est d’autant plus grand que ce vote pourrait apparaitre a certains electeurs desabu-ses et de peu de foi comme artificiellement pro-voquś par les hommes politiques. Ne nous leur-
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