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protagoniste, un peu comme si le premier avait dit au deuxieme : « Ecoute, je viens faire un film qui defend vos droits alors voici ce que tu dois me dire, mais tu me le dis dans tes mots... » Alors que cette manierę de faire (la conversation ou le monologue dirigć) nous montre un moment rćel, ce moment est aussi discredite par le procedć. Dćs lors, il devient clair pour le spectateur qu’on nous montre une verite, celle que le cineaste veut bien nous montrer.
Des rouverture, sur des plans larges qui nous montrent le territoire du Nunavik tel qu’il est et a toujours etć; immense plaque de roche granitique avec ses collines dćnudees, sans vegćtation, qui s’avance dans la baie d’Hudson, une voix nous parle en Innuktituk avec, en voix par-dessus (voice-over) la traduction en franęais sur un ton affirmatif et decidć. Le ton des deux voix ne laisse place a aucun doute, c’est affirmatif, sans doute : nous vous le disons comme cela existe, comme c’est, voici la verite. Puis gros plan sur le visage du narrateur, un vieil Inuit, un sagę, Tamusi Qmak, (le fixer pour Puvungnituk) parle au micro d’une radio local a qui veut bien 1’ecouter. Le shaman, le sagę termine son discours et regarde directement la camera : Phomme connait de toute ćvidence les principes modemes de 1* image et son regard ne flotte pas, ne cherche pas 1’approbation du realisateur, ne regarde pas l’equipe de toumage. C’est a nous, spectateurs, que ce regard s’adresse.
Tamusi connait les images, le principe de 1’image, et dans ce regard distanciateur, il nous introduit au temps pro filmique que la camera (complaisante) de Bulbulian avec la complicite de Fernand Belanger au montage, a laissć dans le film; procede encore employe aujourd’hui: vous regardez un film, j’en suis bien conscient. Selon Derrida, «... l’experience du film ne devrait pas revenir au film. Ce tout, dont le film ne montre qu’une partie infime, doit demeurer dans 1’ombre de son temps, pour, a la fin des fins, s’ouvrir au temps des autres. Le film, degage de lui-meme et de son