Ne serais-je venu ici que pour vous entretenir du pardon? Un peu comme si, tout en passant a Pacte, tout en vous dem and ant pardon, de mille faęons et pour mille raisons, je m’appretais a me demander aussi devant vous, publiąuement, c’est-a-dire, deja, politi-ąuement, ce que veut dire un pardon. Que veut dire “pardonner”? et que veut faire cette chose enigmatique et mysterieuse, voire mystique, si ancienne et a la fois si nouvelle aujourd’hui qu’on appelle le “pardon”? Surtout quand le pardon devient, nous en avons tant d’exemples en Europę, une nouvelle experience de 1’espace public, un exercice institutionnel de la responsabilite, c’est-a-dire un enjeu historique ou politique?
Rien de plus naturel, diront certains, que de s’interroger a ce sujet au moment ou Ton croit devoir demander pardon pour quoi que ce soit, par exemple pour ne pas savoir dire le “merci” qu’il faudrait, avec les mots justes, dans une breve allocution de doctorat honoris causa: on ne peut ni demander ni accorder un pardon sans pretendre savoir ou sans chercher la lumiere sur ce que “pardonner” veut dire — et peut faire. C’est, precisement, comme pour un doctorat honoris causa: nous ne devrions pouvoir ni 1’accorder ni le recevoir, en acte, sans nous demander et sans repondre au moins implicitement a la question: “Qu’est-ce donc qu’on appelle un doctorat honoris causa? Pourquoi, en vue de quoi procede-t-on de-puis si longtemps et encore aujourd’hui a de tels rites? D’ou provient et que signifle cette tradition internationale mais d’abord europe-enne, aussi vieille et aussi venerable, sans doute, que les plus anciennes universites d’Europe ? En quoi un tel titre est-il exemplaire ? En quoi engage-t-il la responsabilite de ceux qui le conferent, mais aussi bien de ceux qui le reęoivent ? a travers mais aussi au-dela de leur propre personne?”
Me voila des lors tenu a entrelacer plus d’un theme, en verite deux sujets aussi difTiciles l’un que 1’autre, celui du pardon (histo-rique, public ou politique) et celui du doctorat honoris causa, comme si, pour ia premiere fois, ils n’en faisaient qu’un, un seul, a moi seul assignes.
Pourquoi aujourd’hui, ici, chose etrange en verite, ne feraient--ils qu’un? Ici, maintenant, pour moi et pour la premiere fois? Je ne repondrai sans doute pas a cette question. Sans doute pas directement.
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