404 SAINTB-ANNB DAtJRAY
Le 16 avril 1641, queiques marchands de Cancale prć-sentaient un dra pean turc. « Ce pavilloD, dirent-ils, est un trophće dc victoire et un ex-volo de notre dćlivrance. Nous ćtions en captivitć depuis longlemps. La gal&rc sur laquelle nous travaillions comprenait vingt-trois foręats, dont cinq catholiques, sept renćgats, les autres tous huguenots. Nos maitres ćtaient plus du double, au nombrc de cinquantc huit.
Notre infćrioritć etait «Svidente ; et pourtant l’idće nous vint, sans doute inspirće par le ciel, dc nous cmparer du navire et de recouvrer la libertó A quclquc prix que ce fdt. C'ćtait risquer la vie, mais la mort valait mieux que cet csclavage.
Nous autres Brctons nous commcnęAmes par nous vouer A sainte Annę; puis, prenant de plus en plus confiancc, nous n'eómes pas de peine A faire partager nos espćrances A nos compagnons d’infortune: tous cntrArcnt volontiers dans le complot. La lutte est dćcidće, les róles sont distribućs ; on se jettcra ensemble sur 1’ennemi au signal convenu; le mnt du ralliement sera le nom de notre protectrice.
Au moment convenu, l’un de nous cria: « Sainte Annę 1 ». — « Sainte Annę! » rćpAtArent immediatement les autres. Ce n’ćtait pas seulement un mot d'ordre, c’ćtait en mćme temps pour nous une invocation suprćme. Aussitót nous nous dćbarrassons dc nos fers, nous bondissons sur les ennemis dćsemparćs par cette attaque soudaine, tuant les uns, jetant dautres A la mer. et cnchainant ceux qui se rendent. Ce ne fut que 1'aflaire d’un instant, et pas un d’entre nous n’avait peri.
Maifres du navire, nous abordńmes sans encombre A Bar-celonne, oA les sept renćgats firent leur abjuration, et c’est de 1A que nous arrivons pour rendre grAces A sainte Annę, A qui nous devons la victoire et la libertć (I, 423;.
Le 29 *vril 1636, Guy Hotoux, capitaine marchand de Saint>Nazaire, fit le rAcit suivant.
J‘arrive des cótes barbaresques, ou je m'Atais aventuró a la recherche de mon fils prisonnier cher les Turcs. Mais ou lieu de le trouver j ai AtA capturA moi-mćmc, et je vicns de subir trois ans et plus d’esclavage.
Ne pouvant me rAsigner A cette vie de foręat, je rAsolus. avec six compagnons de recouvrer, cońte que coAte, la libertA.
Mais pour rćussir que de difficultćs A vaincre! ii ne s'agissait rien moins quede traverser la Mćditerranćc; et nous n'avions sous la main ni barque, ni matćriaux pour en construire une. Nous nous mimcs quand mćme a I’oeuvre. Mais je me suis d abord souvenu dc la Patronnede mon pays,etc’cst Ja pensie de son assistance qui m’a empćchć jusqu'ou bout dc dćses-pćrcr.
On entrelaęa łes uns dans les autres de longs roseaux qui poussaient sur le rivage, on calfata le tout vaille que vaille avec des toilcs cirćes que nous avions & notre usage; et c’est sur cet ussemblage qui avait bien plus l'air d'une corbeille que d'une barque, que nous nous 'hasardAmes sur la mer', sans boussole, sans voile, ovec un gouvernail et des rames de fortunę, et trAs peu de vivres.
C'eOt dtA vraiment tentcr la Providence, si nousn’avionseu rinćbranlable conviction que sainte Annę nous garderait, et vraiment elle nous a gardćs.
II nous aurait faliu au moins une mer calme et une brise favorable. Mais, au bout de quelques heures, le vent cóm-mence A souffler, la mer devient houleuse, 1'ouragan’Atnit dćchainć. A chaque instant nous Ations menacćs de pArir ; et nous avons senti 1'assistance speciale dont nous ćtions Tob-jet, en voyant plusieurs grands navires s'engloutir, pendant que notre faible nacelle continuait & surnager. Pour comble de malheur, la tempćtene futpas notre seulcnnemi: au bout de deux jours nos provisions ćtaient ApuisAes, et nous dtimes ramer ehcore pendant trois jours sans avoir rien A manger, rien A boire. Ce fut seulcment le cinquiAme jour que nous abordAmes, A bout de forces, au port de Palma dans l’ile de Majorque. Et c’est en ce moment que la protection du ciel se fit plusćvidente encore : A peine le dcrnierd'entrenous avait-il atterri, que la barque de roseaux, soulagće pourlant de son poids, coula d'elle-m£me au fond de 1'eau.
J aurais bien aimd apporter jusqu ici cette nacelle miracu-leuse, mais les Pisrcs de la Merci, qui s’Ataient emprcssAs de la retirer de la mer, ont tenu A la possAder eux-m£mes dans leur chapelle de Port-Palma (1).
(1) 1*. Huguks, p. 024; P. Martin, p. 220.
— Ce rdcit ćvoque dana Teapritlea voyagci roerveillcux que la Ićgende attribue k quelques Saint* breton*: saint llouarnon et saint IVhive, sainte Noyale ct »aintrAvoie, etc.
Mais ne suggiro t-il pa* un rapprocbement plu* int<res*ant encorct