CHRONIQUE DE DtFENSE SOCIALE 637
accord ou les occasions de querelles. Les relations se renouent entre les gens et le climat social s’apaise. C’est le but meme poursuivi par les conciliateurs.
Souvent les gens exigent, alors que nous ne l’avions pas prevu, qu’un document ecrit scelle leur accord. II est redige sous le contróle des conciliateurs et signe de tous.
Enfin, et c’est la le plus important, les conciliateurs doivent veiller au respect des engagements contractes. Si ces engagements ne sont pas tenus, la conciliation est repu tee n’etre jamais intervenue, et le procureur de la Republique, a qui le dossier est retoume, fait reprendre a 1’afTaire son cheminement ordinaire.
Si au contraire chacun a tenu parole, le dossier est classe sans suitę penale au parquet.
La encore on aperęoit la superiorite du reglement pacifique sur la decision judi-ciaire : le juge ne s’occupe pas de l’execution de sa sentence, et le plaideur est sou-vent desempare lorsque, titulaire d’un droit, il ne peut le faire valoir. Le conciliateur au contraire surveille l’execution de la convention, et ne considere sa mission comme terminee que lorsque les engagements contractes ont ete tenus.
Toutes ces modifications dans le comportement des gens s’expliquent par le chan-gement de mentalite qui accompagne tout le processus de la conciliation. Des lorsque 1’auteur de 1’infraction sait qu’il s’engage dans une demarche ou a aucun moment il ne sera situe en coupable, ou aucune sanction ne viendra le punir d’un comportement qui jamais ne sera qualifie de faute, des lors disparait le sentiment de culpabilite qui alterait toutes les attitudes et rendait impossible tout dialogue avec un contradicteur.
En meme temps, comme s’il venait combler le vide laisse par la disparition de la crainte d’un chatiment, apparalt le sens des responsabilites, la conscience que prend 1’auteur, qu’il a cause un prejudice dont la reparation lui incombe.
La victime, en proie ou bien a la colere, ou plus souvent a la peur, voit ces senti-ments disparaitre par 1’effet de la confrontation qui fait sortir son agresseur de 1’anonymat. Elle pourra desormais le croiser dans la rue sans crainte ni de represailles ni de recidive.
Dans la faible mesure de sa dimension, Pinstitution participe, avec les autres moyens imagines par le Conseil de prevention, au recul du sentiment d’insecurite.
Ces commentaires ne sont pas des hypotheses ou des supputations imaginees a par-tir d’une theorie. Ce sont des observations relevees a l’examen du fonctionnement ef-fectif d’une institution bien reelle, qui existe depuis pres de cinq annees. Cette institu-tion ne cesse de s’etendre. Apres les quartiers de Fontbarlettes et du Plan, celui du « Polygone » a Valence et celui de la « Monnaie » dans la cite voisine de Romans, ont ete eąuipes d’instances de conciliation qui fonctionnent sur le meme modele. Dans une autre region du departement de la Dróme, celle de Nyons, on a adapte la conciliation penale au milieu rural en regroupant les petites communes situees dans les memes vallees.
Le fonctionnement de ces nouvelles structures met en evidence tout ce que la culpabilite, la sanction, Pexpiation, la vengeance, la colere, amenent dans la deteriora-tion des rapports entre les gens. Si cette deterioration est inevitable dans les affaires graves, elle porte le plus deplorable prejudice au climat social des qu’il s’agit de pe-tite delinquance.
Evacuer le droit penal devient une necessite des qu’il apparait que les rapports so-ciaux doivent prioritairement etre preserves. La societe a tout a gagner a cantonner la repression aux affaires les plus graves.
L’institution judiciaire ne peut tout regler. Des lors qu’il parait possible d’imaginer et de mettre en place d’autres modes de resolution des conflits, on peut, semble-t-il sans grand risque, ne lui reserver que les domaines ou elle est seule a pouvoir intervenir.
/2ev, science crim. (3), juill.-scpt. 1990