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1'Autre, on arrive k lui ressembler, ce qui nuit a la pertinence du regard exotique, pour reprendre AfFergan471 qui dans son essai sur les fondements d'une critique de 1'anthropologie dit que 1'anthropologue
doit travailler en tant qu'Autre, ouvert a toutes les apprćhensions. Seule maniere de ne pas investir autrui ou une autre culture de son propre moi, et seule manićre ausssi de ne pas se iaisser inonder par les autres [...].
Ce serait la dćfinition anthropologique de 1'alteritć: “communaute” et “difference” en meme temps. L'indigene n'est ni un autre moi, ni un intou-chable Autre. II se situe dans sa duree propre, avec laquelle il entretient des relations dialectiques de presence et d'absence, et dont 1'anthropologie doit rendre compte en tant que telle.472
Cette approche anthropologique de Talterite demeure dans la lignee de la pensće exotique de Segalen et de son esthćtique du divers ne lachant pourtant la bride ni k la subjectivitć de l'enqueteur, ni a «une conscience scientifique dont les fondements manquent.»473 Elle propose une approche bien moderee qui exige de la part de 1'anthropologue le respect et la reconnaissance de 1'identite de 1'Autre de meme que la reconnaissance de sa propre identite.
Les reflexions anthropologiąues d'Affergan se rapportant a 1'Autre nous semblent particulierement importantes car, d'une part, elles rendent compte du role privilegie de 1'Autre, qu'est dans le texte exotique l'indi-gene, et d'autre part, des reflexes anthropologiques des auteurs et de leurs heros qui nous intćressent. Souvent, ces rćactions s'averent plus intuitives que logiques.
Si l'on applique cette grille anthropologique a La Rosę de sable de Montherlant, on comprend mieux l'ćchec du protagoniste Auligny qui s'engage trop dans sa quete de 1'alteritć : celle-ci aboutit finalement a la perte de son identitć, tout en respectant 1’identite de 1'Autre qui est ici 1'indigene. Selon cette perspective, la rćserve de Gide vis-&-vis de l'auto-chtone s'explique par son effort permanent de garder son identite malgre tous les attraits de 1'alteritć que lui assure la contemplation esthetique du Divers et la reconnaissance de sa beautć dont parle Segalen.
Isabelle Eberhardt, par contrę, recherche 1'alterite toute sa vie, mais cet effort se traduit par 1'aneantissement, d'ailleurs desire, dc sa propre identite afin de
471 F. AfFergan, Exoiisme et alterite, PUF, 1987, p. 157.
472 Ibid., p. 159.
47J Ibid.